Ephésiens 4, 1-16

Le témoignage des écrits de saint Matthieu

Père Amédée Brunot

Saints et saintes de l’Evangile, p. 119s

 

       Comment Matthieu s’y prend-il pour nous livrer son témoignage ? Faut-il parler de déformation professionnelle ? L’ancien douanier ou péager de Capharnaüm avait été habitué à transcrire tous les soirs ses comptes et ce qu’il avait enregistré ; après les minutieuses analyses de la journée, il fallait tous les soirs faire les synthèses. Ainsi, Matthieu avait été habitué à penser par catégories, à établir des tableaux, à ranger les choses chacune selon son espèce. Lorsqu’il aura à enregistrer les faits et gestes du Christ, n’est-il pas naturel que, cédant au métier, il procède par tableaux, par synthèses, par blocages ? Il n’aura nullement l’intention d’écrire une vie de Jésus. Plus modestement, il essaiera de nous brosser une série de portraits du Maître.

       Il écrira son premier travail en araméen, et plus tard, son témoignage, retouché et augmenté par lui ou par un autre, mais toujours dans la plus stricte fidélité au premier rédacteur, sera traduit en grec. C’est ce dernier ouvrage qui nous est parvenu. Nous y trouvons bien, dans sa substance, le premier écrit de Matthieu, et surtout son art de la composition.

       Les récits sur l’Enfance de Jésus et sur sa Passion servent de cadre à cinq grandes fresques dont chacune comprend une partie oratoire et une partie narrative. Ce sont cinq magnifiques portraits du Christ qui ont tous pour fond le Royaume des cieux. On ne peut qu’être impressionné par la somptueuse construction de cet Evangile. On reconnaît bien le scribe, l’homme qui enregistre, qui groupe, qui bloque, et qui s’efface totalement devant ses chiffres, ses colonnes impeccablement alignées et ses résultats d’ensemble. Ses cinq discours se terminent tous de la même façon, comme cette ligne que l’on trace au bas des chiffres d’une addition pour obtenir le résultat : Et il arriva quand Jésus eut achevé son discours.

De même, qui ne serait frappé par la convergence de ces cinq discours ? Ils ont tous pour but commun le Royaume des cieux : son programme, ses missionnaires, sa spiritualité, son organisation, son avenir.

Tel est Matthieu : homme de l’ordre et des statistiques, apôtre qui va à l’essentiel, au noyau du Message, et qui nous plonge dans une atmosphère de gravité religieuse, apologiste convaincu du Messie-Dieu, écrivain qui a le sens du drame et l’accent des bords du lac de Galilée.