Luc 1, 57-66+80

La vocation : une élection pour une mission

Cardinal Jean Daniélou

Jean-Baptiste, témoin de l’Agneau, p. 13s

 

          La vocation de Jean Baptiste nous apparaît comme exemplaire de toute vocation, et tant que toute vocation est une mission. Elle nous apparaît aussi comme exemplaire à toute vocation, en tant que toute vocation est une élection. Ceci signifie d’abord le caractère absolument gratuit de la vocation. Dieu choisit comme il veut et quand il veut, sans être conditionné par rien, dans sa souveraine liberté. Ceci apparaît éminemment chez Jean. Il est choisi par Dieu pour la mission que Dieu lui destine, non en vertu de quelque mérite antérieur, mais dès avant sa naissance : Il sera rempli de l’Esprit-Saint dès le sein de sa mère, dit l’ange à Zacharie. Le prophète Isaïe n’avait-il pas désigné l’Elu par excellence, le Serviteur de Dieu : Dieu m’a appelé dès le sein maternel ; dès les entrailles maternelles il a prononcé mon nom.

            Jean-Baptiste apparaît bien ici dans la suite de tous ceux que Dieu avait élus au cours de l’Histoire sainte pour en faire ses instruments. Car l’élection est toujours en vue d’une mission. Ainsi Dieu choisit Jacob et écarte Esaü. Ainsi, entre les sept fils de Jessé, est-ce le plus jeune, celui à qui personne ne pensait et qui était en train de paître les brebis, que Dieu s’était réservé pour en faire son serviteur David et que Samuel désigna et marqua de l’onction. Ainsi, malgré les protestations qu’il lui oppose, Dieu appelle-t-il Jérémie ; et quand celui-ci lui déclare qu’il ne sait pas parler, Dieu lui répond : Je mettrai mes paroles dans ta bouche. Non seulement l’élection n’est pas conditionnée par des mérites antérieurs, mais elle n’est pas empêchée par les limites humaines. Aussi bien est-elle toujours au-dessus des forces humaines. Et c’est la grâce de celui qui appelle qui donne aussi pouvoir d’accomplir ce à quoi il appelle : C’est dans ma misère que je me glorifie, dira saint Paul.

            L’élection apparaît ainsi comme l’un de ces aspects des mœurs divines qui se manifestent à travers l’Histoire sainte. Comme Marie admirera dans l’Incarnation du Verbe la manifestation de la souveraine puissance de Dieu, ainsi déjà Zacharie admire dans l’élection de Jean une merveille accomplie par Dieu seul. Le Benedictus est donc comme une préfiguration du Magnificat. Aussi bien, tout ce début de l’Evangile se déploie-t-il comme une liturgie où les mystères succèdent aux mystères, jetant dans l’admiration les anges et les hommes. L’élection est une œuvre proprement divine parce qu’elle suscite quelque chose sans conditionnement préalable : l’élection est bien un commencement absolu.

            Dieu assigne à Jean un nom personnel qui est l’expression de sa vocation unique : Il m’a appelé par mon nom. Ce nom exprime ce quelque chose d’unique que Dieu a voulu en créant chaque personne humaine, ce secret de l’âme que Dieu seul connaît, que Dieu seul révèle.