1 Samuel 1, 1-19

Le message religieux de l’époque du roi Saül

Père Roland de Vaux

Fascicule de la Bible de Jérusalem : Les livres de Samuel, p. 16s

 

                Ce n’est pas pour instruire les historiens que les livres de Samuel son entrés au canon des Ecritures. Ils portent un message religieux, destiné d’abord aux Israélites, puis à leurs héritiers spirituels, les chrétiens : ils énoncent les conditions et les difficultés d’un royaume de Dieu sur la terre. L’idéal n’a été atteint que sous David et cette réussite a été précédée par l’échec de Saül ; elle sera suivie par toutes les infidélités de la monarchie qui amèneront la condamnation de Dieu et la ruine de la nation.

          Au seuil de cette ère davidique, se dresse la figure de Samuel, comme Jean-Baptiste au seuil le l’ère messianique, prophète comme lui. Il est le représentant de Dieu auprès du peuple, le messager de ses ordres, le défenseur de ses droits, l’exécuteur de ses jugements. Fidèle à la foi des Pères, précurseur de celle des grands Prophètes, Samuel est convaincu que Dieu est le seul maître d’Israël, et il proteste quand on lui demande de faire un roi. Mais Dieu lui-même condescend au désir du peuple et, de ce qui était une infidélité, il fait une épreuve et une grâce. Ainsi les deux traditions sur l’institution de la monarchie s’harmonisent dans une vérité supérieure. Israël a voulu avoir un roi comme les autres nations. Non, Israël ne peut pas être comme les autres nations et son roi ne sera pas un maître profane, il sera le représentant de Dieu et l’instrument de ses grandes œuvres. A condition qu’il soit fidèle. Et pour le maintenir dans cette fidélité, le Roi aura auprès de lui le Prophète, porte-parole de Dieu.

          C’est ainsi que Samuel donne l’onction à Saül. Tragique figure que celle de cet élu de Dieu, que Dieu bientôt rejette. Tout appel divin ou toute grâce met l’homme en face d’une option qui décide de son salut ou de sa perte. Malgré ses succès, à cause peut-être de ses succès, Saül a manqué à sa vocation parce qu’il a préféré entendre la voix du peuple qui l’avait acclamé plutôt que celle de Dieu qui l’avait choisi. Le pouvoir humain, qui est une délégation de Dieu avant d’être une délégation du peuple, reste soumis à ces deux volontés dont il émane mais, si elles s’opposent, il doit choisir d’obéir à Dieu. Saül ne l’a pas fait et Dieu se retire de lui. Il rejette Saül parce que Saül l’a rejeté. Celui-ci s’est fié à lui-même, il est maintenant abandonné à lui-même, en proie à un esprit mauvais parce que l’Esprit qui l’inspirait l’a quitté et s’est reposé sur un autre.