1 Samuel 16, 1-13

La royauté de David

André Wénin

Le roi, le prophète et la femme, p. 68s

 

          Dans le récit de l’onction royale reçue par David, l’acteur principal est Dieu lui-même. Par l’intermédiaire de Samuel, Dieu influence avec force le cours des événements en fonction de son rejet définitif de Saül. En revanche, dans la victoire de David et ses suites immédiates, la narration ne le montre plus jamais directement à l’œuvre. Dans tout ce récit, il n’est présent que parce que David parle de lui pour le désigner comme le véritable Sauveur. Aussi, d’un côté, la royauté de David procède d’un choix divin absolu, unilatéral. De l’autre, elle s’appuie sur un agir libérateur éclatant dont l’initiative revient à David. C’est là la seule chose vérifiable, même si les paroles du héros ne cessent de renvoyer, au-delà des apparences, à ce Dieu qui fait de lui un sauveur.

          D’emblée la royauté de David s’inscrit donc dans un réseau de tensions. Tension entre privé et public, entre secret et dévoilement, et donc entre apparence et réalité, entre laisser-être et intervenir, entre libre choix de Dieu et initiative humaine. Tel est l’arrière-fond sur lequel se déroulera tout le récit de la vie de David ; tels sont les paramètres dans lesquels s’inscrivent les traits essentiels de son personnage royal et de son évolution future. La superposition des deux récits forme ainsi une introduction adéquate à l’histoire qui suit.

          Dans les scènes inaugurales, la spécificité de la royauté de David est dessinée à l’aide d’une série de contrastes qui l’opposent, grosso modo, à celle, déchue, de Saül. Le ton est donné dès la première ligne, lorsque Dieu dit à Samuel qu’il a rejeté Saül pour qu’il ne soit plus roi en Israël, mais qu’en revanche il a vu, parmi les fils de Jessé, un roi pour lui. Ainsi la scène de l’onction de David rappelle, par plus d’un trait, celle du roi qu’il va remplacer. Le rôle de Samuel et son lien avec Dieu, l’ambiance de secret, le banquet de sacrifice, l’importance de l’aspect extérieur de l’élu, l’onction avec de l’huile, la venue de l’esprit de Dieu, toutes ces similitudes font ressortir la différence principale qui occupe le centre de la scène. Samuel se méprend à la vue d’Eliab, la réplique de Saül pour ce qui est de la stature. Mais, comme ce denier, Eliab est rejeté. Et c’est au profit du benjamin, ce beau jeune homme pâtre que Jessé n’avait pas pensé à inviter, à moins qu’il n’ait pas jugé de le faire ! Le futur roi est petit, l’opposé du grand Eliab et de Saül. Son nom n’est même pas prononcé. Il ne vient que lorsque fond sur lui l’esprit de Dieu.