Matthieu 18, 15-20

Justice et correction fraternelle

Saint Augustin

Sermon 14 adressé aux frères du désert, OC 23, p. 293s

 

                A vous, frères, qui vivez dans le désert, il appartient d’entendre cette parole, de la comprendre et d’accomplir dans vos actes le sens qu’elle renferme : Aimez la justice.  A vous, frères et clercs qui habitez la ville, à vous aussi il appartient d’aimer la justice, non seulement la justice pour vous-mêmes, mais vous devez aussi juger, reprendre, supplier, blâmer en toute patience, les membres du peuple choisi de Dieu.

                Mais vous qui êtes séparés du monde, vous qui avez choisi un genre de vie plus sûr, sachez qu’en tout vous devez principalement aimer la justice. Oh ! Mes frères, la joie de mon cœur, voulez-vous savoir de quelle manière vous devez, dans votre solitude, aimer la justice ? Prenez bien garde de vouloir ôter une paille de l’œil de votre voisin, pendant que vous ne voyez pas la poutre qui est dans le vôtre, et vous ne vous entremettez pas de vouloir relever un autre de sa chute, tandis que vous ne vous apercevez pas de la vôtre. N’allez pas vous mettre en devoir de guérir la maladie d’un autre, en sorte que vous négligiez vos propres maladies, de peur qu’on ne dise à chacun de vous : Médecin, guéris-toi toi-même.

                Guéris-toi d’abord le premier, ô moine, afin qu’étant sain et sauf, tu puisses soigner les blessures d’autrui. Ecoutez, mes frères, écoutez ces paroles de Notre seigneur aux Pharisiens qui accusaient la femme adultère : Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre. Ô moine, juger les autres sur quelqu’un chose, c’est se condamner soi-même. De quel front oserez-vous accuser autrui de quelque faute, quand vous vous sentez vous-mêmes gravement coupables ? C’est à vous, à chacun d’entre vous, qu’il appartient d’être purs, d’être saints, et si vous voyez l’un de vos frères pécher, il vous faut le reprendre en toute douceur de peur qu’il ne périsse par votre négligence. La charité doit tirer le glaive de la correction, non par haine ou par rancune, mais avec le zèle de la charité. Que toujours la miséricorde soit liée à votre cœur, telle est la conduite qu’il vous importe de tenir.