Luc 19, 1-10

« Il me faut demeurer chez toi »

Père Renaud Silly

Dictionnaire Jésus, p. 1224s

 

          Il me faut demeurer chez toi. Il est curieux que le séjour de Jésus chez Zachée soit en termes d’obligation. Mais Jésus a coutume d’employer la formule Il faut pour ce qui regarde le but de sa mission au milieu des hommes. Ainsi doit-il être aux affaires de son Père pour proclamer l’Evangile aux villes, car c’est pour cela qu’il est venu, et encore poursuivre sa route pour monter à Jérusalem. L’obligation dont il est ici question est celle due à l’accomplissement du dessein bienveillant de Dieu dont il est l’agent et qui motive tout ce qu’il est. Cette parole de Jésus suppose de lire en surimpression la parabole de la brebis perdue, du fils prodigue, et de réentendre que Jésus n’est pas venu pour les justes mais pour les pécheurs. La conversion de Zachée n’a pas d’autre motif que d’avoir pris au pied de la lettre ce que Jésus promet.

            Cependant, la sollicitude de Jésus suscite des murmures de la foule, peut-être celle-là qui a souffert des exactions passées de Zachée. C’est le publicain repenti qui sort Jésus de ce mauvais pas : à l’inverse de beaucoup de rencontres de pécheurs ou de malades, celle-ci ne débouche pas sur une confession de foi explicite, mais sur un changement bien concret de sa manière d’agir, dans ce qui concerne directement Zachée, l’administration de sa charge. Son engagement à donner la moitié de sa fortune et à compenser ses torts au quadruple mêle le don gratuit de ses biens, caractéristique de l’économie du Royaume, avec les exigences de la Loi de Moïse revue par l’esprit nouveau que Jésus est venu apporter. Elle stipule que le coupable qui a volé quelque chose doit rendre l’objet augmenté d’un cinquième de sa valeur. Zachée dédommage au-delà. Cependant, il ne donne pas toute sa fortune, il ne suit pas Jésus par la suite, il continue à exercer son métier méprisé. Mais le peuple a besoin de collecteurs d’impôts honnêtes. Zachée offre donc un exemple très concret de la conduite à tenir pour les convertis du Christ, n’impliquant pas de renoncer à ce qu’ils sont, mais à le vivre dans la fidélité aux commandements. De manière très objective, il considère son péché passé comme une dette contractée envers ceux qu’il a opprimés, dont il faut s’acquitter pour satisfaire la justice. Sans justice en effet la conversion est illusoire et trompeuse. C’est cette opération que Jésus appelle le salut arrivé à cette maison : tout change désormais pour Zachée qui s’engage à vivre de la justice du Royaume. Zachée est un vrai fils d’Abraham au sens où sa foi concrète, illustrée par des œuvres bonnes, lui a été comptée comme justice.