Matthieu 21, 33-43

Les vignerons homicides

Saint Augustin

Sermon 87, 1-3, OC 17, p. 11s

 

          Dans l’évangile de ce dimanche, il est question d’ouvriers qui travaillent dans une vigne, et nous sommes au temps des vendanges matérielles ; il y a aussi des vendanges spirituelles durant lesquelles Dieu se réjouit de voir le fruit de sa vigne.

          Si nous rendons à Dieu un culte, Dieu aussi nous cultive. Nous ne le cultivons pas pour le rendre meilleur, puisque notre culte consiste dans l’adoration et non dans le labour. Mais lui nous cultive comme fait un laboureur de son champ ; aussi notre culture nous améliore comme celle du laboureur rend son champ plus fertile. Et le fruit que Dieu nous demande, consiste dans son culte même. Il montre qu’il nous cultive en ne cessant d’arracher, par sa parole, de nos mœurs, les germes funestes, de nous ouvrir l’âme avec le soc de ses instructions, et d’y répandre la semence de ses préceptes pour en attendre des fruits de piété. Quand en effet nous laissons ce laboureur céleste travailler nos cœurs, que nous lui rendons le culte qui lui est dû, nous ne nous montrons pas ingrats envers lui et nous lui présentons des fruits qui sont sa joie. Ces fruits ne le rendent pas plus riche, mais ils accroissent notre bonheur.

          Dieu cultive sa vigne. Cette vigne, il l’a plantée, et il l’a louée à des vignerons qui devaient lui en rendre des fruits aux époques convenables. Afin de les leur réclamer, il envoyé vers eux ses serviteurs ; les vignerons les outragèrent et dédaignèrent de payer. Il en envoyé d’autres : mêmes traitements. Ce père de famille qui avait cultivé un champ, planté et loué sa vigne envoya son fils unique pensant qu’ils le respecteraient. Ils le mirent à mort et le jetèrent hors de la vigne. Que fera alors le maître de la vigne, demande Jésus à ses auditeurs ? Et la réponse fuse : Il les fera mourir misérablement, et louera sa vigne à d’autres vignerons.

          Cette vigne fut plantée lorsque la Loi fut gavée dans le cœur des juifs. Dieu ensuite envoyé les prophètes pour en recueillir les fruits, pour exiger la sainteté : les prophètes furent couverts d’outrages et mis à mort. Le fils unique du père de famille, le Christ vint ensuite ; c’est l’héritier, ils l’ont tué. Aussi ont-ils perdu son héritage ; leur dessein criminel a tourné contre eux-mêmes. Ils ont tué l’héritier pour accueillir sa succession ; pour l’avoir tué, ils ont tout perdu.