2 Rois 22,8 – 23,4+21-23

Les trois Lois

Saint Maxime le Confesseur

Dans Henri de Lubac, Catholicisme, Unam Sanctam 3, p. 323s

 

          Il y a trois lois générales : la loi naturelle, la loi écrite et la loi de grâce. Chacune d’elles a ses attributs particuliers et parcourt sa carrière propre.

            La loi naturelle, lorsque les sens ne parviennent pas à dominer la raison, nous pousse spontanément à accueillir tous les hommes comme étant nos parents, et à nous porter au secours de ceux qui sont dans le besoin ; elle nous inspire un vouloir unanime, en sorte que chacun soit heureux de donner aux autres ce qu’il désirerait lui-même en recevoir. C’est ce qu’a enseigné le Seigneur : Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le leur. Une telle unanimité est réalisée en ceux chez qui la nature est gouvernée par la raison. Un même genre de vie, une même façon de vouloir et de sentir leur fait prendre conscience de l’unité rationnelle de la nature humaine : unité dans laquelle n’existe en aucune façon ce déchirement de la nature qui résulte présentement de l’égoïsme.

            Quant à la loi écrite, elle commence par réprimer les impulsions déréglées des insensés, en leur inspirant la crainte des châtiments. Elle accoutume l’esprit à considérer la stricte justice, et vient ainsi par ses rigueurs au secours de la loi naturelle. Car, par l’effet du temps, la force de la justice finit par passer en nature, et l’amour du bien prévaut peu à peu sur la crainte. Enfin l’homme est conduit jusqu’à la charité qui est la plénitude de la loi. La loi écrite, ou plutôt la plénitude de la loi écrite n’est donc autre que la loi naturelle qui revêt son plein sens spirituel par l’entraide sociale et la cohésion intime. C’est pourquoi il est écrit : Aime ton prochain comme toi-même, et non pas seulement : Comporte-toi envers lui comme envers toi-même, car cette seconde formule ne vise l’être du prochain que dans les rapports sociaux encore extérieurs, tandis que la seconde vise sa félicité spirituelle.

            Mais la loi de grâce apprend sans intermédiaire à ceux qu’elle dirige à imiter Dieu lui-même, qui, si l’on peut dire, nous a aimés plus que lui-même : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

            En résumé, nous dirons que la loi de nature n’est autre que la raison naturelle, subjuguant les sens pour refouler la déraison selon laquelle a lieu la division de ceux qui sont naturellement unis. La loi écrite est encore cette raison naturelle, qui, après avoir ôté la déraison des sens, inspire un désir spirituel de cohésion entre les membres d’une même nature. Enfin, la loi de grâce est une raison surpassant la nature et la transformant d’une façon intrépide en vue de sa déification.