2 Chroniques 35,20 – 36,12

Veiller, c’est ne pas s’installer en ce monde

Saint John-Henry Newman

Sermon du 4 décembre 1837, PPS tome 4, p. 345s

 

          La vigilance recommandée par l’Evangile est la pierre de touche où l’on reconnaît un chrétien. Car elle est l’attribut de la foi et de la charité, la vie et l’énergie de la foi et de la charité, la manière dont la foi et la charité se manifestent.

          On peut avoir de grandes qualités, être même religieux de cœur, mais ne pas savoir ce qu’est « veiller ». Dans ce cas, on aime Dieu, mais on aime aussi le monde ; on veut servir Dieu et on le cherche, mais on regarde le monde présent comme s’il était le lieu définitif, la scène éternelle où se vivent tous les engagements, toutes les situations. On n’envisage jamais la possibilité d’en sortir. On n’oublie pas Dieu positivement, ni sa règle de vie, ni le fait que les biens de ce monde sont des dons de Dieu. Mais on les aime bien plus pour eux-mêmes que pour Celui qui en est le donateur ; on s’appuie sur eux comme s’ils devaient durer toujours. On ne réalise pas qu’ils nous sont donnés provisoirement, que nous ne les possédons jamais en propre, même s’ils sont garantis par les lois humaines. Les rois d’Israël agirent souvent ainsi en faisant ce qui déplaisait à Dieu.

          Nous, comme ces rois d’Israël, nous mettons notre cœur dans ces biens-là, qu’ils soient petits ou grands, lesquels deviennent de vraies idoles. Voilà où git le mal ; on identifie Dieu avec le monde ; on fait du monde une vraie idole ; on échappe, par le fait même, au fait de devoir tout attendre de Dieu ; on croit trouver Dieu dans ces valeurs.

          On peut être des hommes et des femmes vraiment dignes de louanges sur le plan humain, bienveillants, charitables, efficaces, et, au plan religieux, très pratiquants. Cela n’empêche nullement qu’on est trop attaché à ce monde, qu’on aurait beaucoup de mal à le quitter et qu’on aspire à jouir au maximum de ses biens : richesse, distractions, crédit, influence…

          On peut même être un homme de devoir, mais limiter son idéal à ce monde ; alors on se meut à un niveau médiocre. Et l’on se trouve très bien ainsi, très satisfait de soi, sans éprouver le moindre désir de changer. Mais on voit bien qu’il nous manque alors un cœur ouvert à Jésus-Christ et à son amour. Notre âme est comme rouillée. Notre Seigneur nous prémunit contre ce danger en nous faisant un devoir de veiller, de se préparer sans cesse à son retour.