Jérémie 25, 15-17 + 27-38

Les oracles contre les nations chez Jérémie

Gehrard von Rad

Théologie de l’Ancien Testament, Tome II, p. 170s

 

          Jérémie n’a pas menacé de malheur seulement son propre peuple ; on trouve chez lui une collection d’oracles dans lesquels il prédit leur destruction à toute une série de peuples : Egyptiens, Philistins, Moabites, Ammonites, Edomites, Araméens, Arabes, Elamites et Babyloniens. Ces oracles sur les nations dépeignent tous des catastrophes militaires, mais, chose étonnante, la puissance politique qui exercera tous ces ravages reste presque complètement dans l’ombre. Ces oracles montrent d’autant plus clairement que c’est Dieu qui est à l’œuvre ; il intervient d’une manière tout à fait personnelle ; c’est son glaive qui sévira contre les nations en question. Comme ces oracles contiennent encore d’autres éléments issus de la pratique des guerres saintes d’autrefois, il paraît de plus en plus vraisemblable que cette forme d’oracles guerriers appartient à la plus ancienne tradition prophétique. Les prophètes guerriers d’Israël parlaient réellement ainsi, jadis, quand Israël, ou plus exactement le Dieu d’Israël, se mettaient en campagne contre ses ennemis. Ce genre littéraire s’est sensiblement modifié avec le temps, il s’est détaché de son enracinement originel de la guerre sainte ; son horizon historique s’est élargi aux dimensions de l’universel : il prend maintenant à partie des peuples avec lesquels l’ancien Israël n’avait jamais eu de conflits armés. Les oracles de Jérémie sur les nations décrivent déjà presque un jugement universel. L’accusation d’orgueil et de confiance impie en soi-même appartient à la grande prophétie plus tardive, alors que d’autres éléments de la tradition la plus ancienne se sont maintenus avec une persistance surprenante. Cela explique pourquoi Jérémie prophétise que Dieu combattra en personne, et pourquoi ces poèmes parlent seulement en termes très vagues de l’instrument terrestre des jugements divins, auquel pourtant le prophète pensait sans aucun doute.

          Jérémie a donc aussi envisagé l’avenir et observé les mouvements qui se produisaient au niveau de la politique mondiale. Si dans le cas d’Amos, d’Isaïe et de bien d’autres prophètes, on a saisit l’essentiel de leur prédication dans leurs déclarations portant sur l’avenir, chez Jérémie, à côté de ces quelques prédictions, un grand nombre de textes s’occupent seulement du présent, textes caractéristiques de ce prophète.