Ezéchiel 5, 1-17

La réalité de notre abaissement

Saint Bernard

Sermons divers, tome 1, Sermon 20, p. 175s

 

          Combien d’hommes voyons-nous humiliés, mais non pas humbles, frappés, mais sans regret de repentir. Au vrai, ils sont soignés par le Seigneur, mais sans que ces soins ne les guérissent. Dans les épines, ils se croient dans les délices. Ils se cachent les péchés qu’ils commettent, l’endroit glissant où ils trébuchent, les ténèbres qui les aveuglent, les pièges au milieu desquels ils s’avancent, le lieu d’affliction qu’ils habitent, le corps de mort (Romains 7,24) qu’ils traînent, le poids du joug qu’ils supportent, le poids plus pesant encore de la conscience qu’ils dissimulent, enfin le poids écrasant de la sentence qui les attend.

          Sommes-nous parvenus à un résultat ? Oui, nous avons trouvé, je pense, comment l’homme doit s’abaisser lui-même. Et c’est, dirai-je, en s’attachant à la Vérité qui l’abaisse, et en collaborant avec elle sans feinte, dans l’élan et la ferveur de l’offrande de soi. En conséquence, je me garderai à l’avenir, aussi attentivement que possible, de la dureté de cœur. Je ressentirai avec plainte ma douleur, de peur qu’en devenant peut-être insensible, ma blessure ne soit de même coup inguérissable. Je serai l’homme qui a connu la misère sous la verge de sa colère (Lamentations 3,1), de peur que mon âme ne partage le sort de ceux dont la Vérité parle en ces termes : Je les ai frappés sans qu’ils se lamentent  (Jérémie 5,3). Et dans le même sens : Nous avons voulu guérir Babylone, elle n’a pas guéri (Jérémie 51,9).

          Pénible remède que cet abaissement ! Mais l’orgueil est une maladie plus pénible encore ; puisse-t-il recevoir des soins tels qu’il finisse par guérir. C’est pourquoi, je veux m’accorder avec mon adversaire (Matthieu 5,25), approuver mon juge, et me rendre aux coups de l’aiguillon, pour qu’il n’ait pas à me piquer deux fois.

          C’est là, je pense, le sens de cette parole du Seigneur : Tout homme qui s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé. C’est comme s’il disait : quiconque regimbera contre l’aiguillon (cf. Actes 9,5) en recevra un second coup ; mais celui qui aura senti sa pointe et aura cédé devant la colère, celui-là sera épargné.