Isaïe 22, 8-23

Pas de pardon divin, devant le peu de confiance du peuple envers Lui

Anne-Marie Pelletier

Le livre d’Isaïe, L’histoire au prisme de la prophétie, p. 66s

 

                Dieu a miraculeusement épargné les siens. Pourtant le peuple n’en tire nulle leçon ! Il ne s’est ensuivi aucun geste de pénitence où l’on aurait reconnu les fautes qui avaient fait passer si près du désastre. Bien plus, on tue les bœufs, on égorge les moutons, on mange de la viande, on boit du vin en proclamant les mots de l’impie : Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! Dieu déclare alors solennellement que pareille faute ne recevra aucun pardon.

                 Confirmation est donnée par l’épisode de Shebna et d’Elyaquim, maîtres du palais royal davidique. Le premier Shebna, fonctionnaire parvenu, dont l’existence se trouve d’ailleurs documentée en dehors de l’Ancien testament, homme fort de ses armes et de sa politique assyrienne, enflé d’orgueil jusque dans la mort. Le second, en revanche, Elyaquim, appelé par Dieu Mon serviteur, désigné du nom de père pour l’habitant de Jérusalem et pour la maison de Juda, semble être enfin un chef selon le cœur de Dieu et selon la droiture qui garantira le salut du peuple. Il reçoit les clefs du pouvoir : Je mettrai la clé de la maison de David sur son épaule ; s’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira. Le Nouveau Testament reprendra cette image à propos de Pierre, elle se trouve aussi dans le livre de l’Apocalypse (3, 7 et 20). Fixé en un lieu solide, Elyaquim va pourtant s’effondrer à son tour, lorsque l’on aura entrepris, une fois encore de façon toute humaine, de reporter sur lui espoir et assurance, au lieu de s’appuyer sur Dieu : on y suspendra toute la gloire de la maison paternelle, les descendants et les rejetons, et tous les objets de petites tailles, depuis les coupes jusqu’aux jarres. Ce jour-là, oracle du Seigneur Sabaot, il cèdera le clou enfoncé dans un lieu solide, il s’arrachera et tombera : alors se détachera la charge qui pesait sur lui. Car Dieu a parlé.

                    Ainsi ce texte tellement troublant montre que le drame se reproduit en terre d’Israël comme en terre païenne, né à chaque fois de l’orgueil de l’homme qui remplace par des gloires et des assurances humaines la confiance en Dieu, l’unique Maître de l’histoire.