Isaïe 27, 1-13

La vigne

Père Léopold Sabourin

Les noms et les titres de Jésus, p. 104

 

                Ce titre, la vigne, a une portée communautaire. Il évoque, par exemple, l’idée que la communauté chrétienne est un nouvel Israël. Je suis la vraie vigne, affirme le Christ, par contraste, semble-t-il, avec l’Israël ancien, souvent comparé, dans l’Ancien Testament, à une vigne dégénérée, comme dans le chant de la vigne composé par Isaïe, probablement à l’occasion de la fête des vendanges : cette vigne choyée dont le propriétaire en espérait du raisin n’a donné que du verjus !

                   Pour la même raison, parce que le peuple élu n’a pas porté les fruits attendus, le prophète Jérémie traitera Israël de vigne bâtarde (2,21), transmettra l’ordre divin d’arracher ses sarments qui n’appartiennent pas à Dieu (5,10). Dans l’allégorie johannique, les sarments sont brûlés (Jean 15,6) ; dans la parabole du figuier stérile, tout l’arbre est menacé (Luc 13,6-9), et même condamné (Matthieu 21,18-20).

                   Par ailleurs, dans une section apocalyptique tardive du livre d’Isaïen (24-27), d’où est extrait la lecture que nous venons d’entendre, un disciple lointain du prophète entrevoit, pour l’avenir, Israël comme une vigne chérie de Dieu : Moi, Dieu, j’en suis le gardien ; à tout instant, je l’arrose de peur que ne tombe son feuillage ; nuit et jour, je la garde. Et quelques versets plus loin (27,6), nous avons lu : Israël fleurira, fructifiera et remplira de fruits la face du monde.

                   Chez Ezéchiel, la restauration messianique du royaume d’Israël est comparée au merveilleux développement d’un rameau de cèdre : Sur la haute montagne d’Israël, je le planterai. Il poussera des branches, produira du fruit et deviendra un cèdre magnifique. Entraîné par son plaidoyer, Ezéchiel qualifie ailleurs le bois de la vigne de sans valeur, bon à être brûlé, figure du sort de Jérusalem (15,1-8).

                   Dans les évangiles synoptiques, la vigne représente la communauté humaine, travaillée  par les prédicateurs du Royaume, les ouvriers de Dieu : l’allégorie des vignerons homicides, la parabole des ouvriers envoyés à la vigne, la parabole des deux fils. Le quatrième évangile utilise certaines données des synoptiques et les transforme ; les points de comparaison ne sont plus rattachés au sort de telle vigne, mais à la culture de la vigne en général ; de plus les éléments eschatologiques s’estompent, car Jean actualise volontiers l’eschatologie et l’intériorise : par exemple, le juste possède déjà, d’une certaine façon, les biens de la vie future ; le climat de polémique contre les pharisiens a cédé la place à de paisibles réflexions : la vraie Vigne, c’est Jésus lui-même, vraie vie de l’Eglise.