Matthieu 1, 18-24

Deux oui

Adrienne von Speyr

La servante du Seigneur, p. 63s

 

                Au moment où Joseph veut agir parce que la relation des faits à sa personne menace de lui devenir inévitable, l’ange lui apparaît et lui explique. Il rompt le silence de la part de Dieu, non de la part de l’homme, en faisant déboucher leur double silence où la connaissance et la compréhension auparavant unilatérales deviennent désormais réciproques. Ce sera un silence d’entente, sans que jamais le mystère de cette grossesse ne soit abordé entre eux. Tout restera inclus dans l’acte de respect mutuel qui exige le silence. Le mystère de Marie doit d’autant plus être gardé que sa liaison avec Dieu est plus profonde que toute liaison avec un homme. Ce silence de la Mère à l’égard de son époux dans le monde ne se perdra jamais dans l’Eglise. Le mystère que chacun des époux a vis-à-vis de Dieu, non seulement ne troublera pas l’amour mutuel, mais ne peut que le féconder, l’approfondir, l’ennoblir. Loin de mettre en danger la totalité de leur abandon, il est à la longue la meilleure garantie qu’un amour humain demeure toujours vivant et nouveau.

                Marie, par son oui à l’ange, a donné un consentement sans restriction, sans avoir auparavant consulté Joseph. Par là, elle n’a pas empiété sur ses droits, ni disposée arbitrairement de leur engagement mutuel. Dieu a disposé et Marie s’est pliée. Et cette disposition divine n’épargne pas le mariage de Marie et de Joseph ; mais par le oui de Marie, rien n’est encore décidé de l’engagement de Joseph : celui-ci reste toujours libre de répondre oui ou non à l’ange. Lui aussi aura à prendre une décision personnelle. Pour pouvoir dire oui à la décision divine, il devra dire non à ses propres projets, même celui de renvoyer Marie. Et en disant oui à Dieu, il subordonnera sa décision à celle de Marie : son obéissance sera ordonnée et soumise à la sienne. Certes son consentement s’adresse immédiatement à Dieu, mais il garde toutefois un caractère second, subséquent. Il est compris et englobé dans celui de Marie qui a déjà dit oui pour lui de manière implicite. Car le Seigneur, en s’incarnant, veut naître dans une famille, il faut donc qu’il trouve un homme qui réalise cette volonté. Et ce ne peut être personne d’autre que l’époux de la Mère de Dieu. Ainsi le consentement de Marie dépasse son destin personnel ; et elle n’en est pas inconsciente, elle en connaît la portée pour elle, pour Joseph, pour le Seigneur, et pour toute l’humanité. Et pour tout ce qui s’y rattache essentiellement, elle est essentiellement préparée.