Jean 20, 2-8

Le disciple que Jésus aimait

Rupert de Deutz

Les œuvres du Saint Esprit, Tome II, SC 165, p. 165s

 

          Jean, apôtre et évangéliste, a reçu la grâce de l’intelligence avec surabondance. Nous le savons par ses propres paroles, puisqu’on le lit dans l’Eglise fréquemment et qu’il y parle devant tous. Ce n’est pas pour rien que nous disons : Au milieu de l’Eglise, le Seigneur lui a ouvert la bouche et l’a empli de l’Esprit de Sagesse et d’Intelligence. En proportion même de cette grâce qui faisait que Jésus l’aimait, et qui le fit reposer sur sa poitrine à la Cène et dire : Seigneur, qui est-ce qui te trahira ? Il reçut avec abondance l’Intelligence et la Sagesse : l’Intelligence pour comprendre les Ecritures, la Sagesse pour écrire ses propres livres avec un art admirable. A vrai dire, il ne reçut pas ce don en acte dès le moment où il reposa sur la poitrine du Seigneur, mais dès lors il y avait accès de manière à pouvoir ensuite puiser dans ce cœur où sont cachés tous les trésors de la Sagesse et de la Science. D’ailleurs, lorsqu’il dit plus loin : Alors entra aussi ce disciple qui était arrivé le premier au tombeau, et il vit et il crut, il ajoute, parlant aussi bien de Pierre que de lui-même : Car ils ne connaissaient pas encore les Ecritures, et qu’il fallait que Jésus ressuscitât d’entre les morts. Comme les autres, il reçut sa mesure lorsque vint l’Esprit-Saint, lorsque la grâce fut donnée à chacun selon la mesure du don du Christ, selon la volonté de cet Esprit qui distribue à chacun comme il veut. Mais à l’exemple du patriarche Jacob, qui aima son fils Joseph, et non content de l’égaler à ses frères dans le sort ou cordeau du partage, lui dit : Je te donne une part de plus que tes frères, celle que j’ai arrachée aux mains de l’Amorréen avec mon glaive et mon arc, le Seigneur aima ce disciple plus éminemment que les autres ; et non content qu’il fût l’égal des autres dans cette part de grâce, je veux dire dans l’Esprit de l’Intelligence, il lui ouvrit encore les secrets du ciel à un degré unique pour lui faire voir les visions admirables qu’il a exposées dans le livre intitulé Apocalypse, livre où il y a presque autant de mystères que de mots, et pour lui faire écrire le mystère profond dont l’homme ne peut rien dire, le mystère du Verbe de Dieu, du Verbe incarné. Cela parce qu’il l’aimait.