Genèse 3, 1-24

Le désir de devenir comme des dieux

Sévérien de Gabala

6ème homélie sur la création du monde, n° 5-6

 

          Il y avait au milieu du paradis un arbre. Le serpent s’en servit pour tromper nos premiers parents. Remarquez cette chose étonnante : pour abuser l’homme, le serpent va recourir à un sentiment inhérent à sa nature. En façonnant l’homme, le Seigneur, en effet, avait mis en lui, outre une connaissance générale de l’univers, le désir de Dieu. Dès que le démon découvrit ce désir ardent, il dit à l’homme : Vous deviendrez comme des dieux. Maintenant, vous n’êtes que des hommes et vous ne pouvez être toujours avec Dieu ; mais si vous devenez comme des dieux, vous serez toujours avec lui. Il ne leur dit pas évidement : Si vous mangez, vous allez devenir ennemis de Dieu ! Ainsi, c’est le désir d’être égal à Dieu qui séduisit la femme. Elle fut séduite, elle mangea et elle engagea l’homme à en faire autant.

            Or, après la faute, Adam entendit la voix du Seigneur qui se promenait dans le paradis vers le soir. Il fut alerté par le bruit, et aussi par l’habitude. Béni soit le Dieu des saints d’avoir visité Adam vers le soir ! Et de le visiter encore maintenant vers le soir, sur la croix !

            Car c’est bien à l’heure où Adam venait de manger que le Seigneur souffrit sa passion, à ces heures marquées par la faute et le jugement, c’est-à-dire entre la sixième heure et la neuvième. A la sixième heure, Adam mangea, selon la loi de la nature ; ensuite, il se cacha. Et vers le soir, Dieu vint à lui.

            Adam avait désiré devenir Dieu ; il avait désiré une chose impossible. Le Christ a comblé ce désir. Tu as voulu devenir, dit-il, ce que tu ne pouvais être ; mais moi, je désire devenir homme, et je le puis. Dieu fait tout le contraire de ce que tu as fait en te laissant séduire. Tu as désiré ce qui était au-dessus de toi ; je prends, moi, ce qui est au-dessous de moi. Tu as désiré être l’égal de Dieu ; je veux, moi, devenir l’égal de l’homme. Tu as désiré devenir Dieu : ce n’est pas pour cela que je me suis irrité, car je veux que tu désires être l’égal de Dieu. Ce qui m’a irrité, c’est que tu aies voulu t’emparer de cette dignité en-dehors du dessein de ton Seigneur. Tu as désiré devenir Dieu et tu ne l’as pu. Moi, je me fais homme pour rendre possible ce qui était impossible.

            Oui, c’est bien pour cela que Dieu est venu. Il en témoigne à ses apôtres : J’ai désiré d’un grand désir de manger cette Pâque avec vous. Il est descendu vers le soir et a dit : Adam, où es-tu ? Celui qui est venu pour souffrir est le même que celui qui est descendu dans le paradis.