Jean 1, 35-42

« Que cherchez-vous ? Venez et voyez »

Auteur anonyme

BVC 91, 1970, p. 12s

 

          Jésus se retourna et vit qu’ils le suivaient. Jésus ne se retournerait pas pour des gens qui seulement le regarderaient passer. Il noue alors la conversation : Que cherchez-vous ? Dans le quatrième évangile, c’est la première parole que Jésus prononce : une question. La première aussi qu’il nous adresse. Elle nous renvoie à nous-mêmes, elle nous invite à la lucidité, à un choix vraiment libre. Jésus ne nous laisse pas le suivre longtemps parce qu’un autre nous l’aurait dit, par curiosité ou par habitude ; il nous veut attentifs, conscients. Voilà pourquoi il nous demande : Que cherchez-vous ? Il suppose que ce n’est pas n’importe quoi, mais avant de répondre à nos questions ou à nos aspirations, il nous contraint à sortir de notre indifférence native.

            Savons-nous ce que nous voulons ? Lui-même n’est pas colporteur de solutions à bon marché : il est venu rendre témoignage à la vérité. Cela nous intéresse-t-il ? Sinon, la conversation peut s’arrêter là.

            Ils lui répondirent : Rabbi, où demeures-tu ? Notre réponse se formule à son tour en question. Mais un point essentiel se trouve à présent élucidé : nous cherchons où il demeure. Qui il est, nous l’ignorons encore, nous ne le pressentons que confusément : un maître, à tout le moins. Notre intuition première doit d’abord se préciser ou s’approfondir ; notre approche initiale doit s’enraciner dans une familiarité progressive. L’interlocuteur rencontré en chemin devient pour nous le maître auquel nous demandons l’hospitalité, à l’école duquel nous nous mettons. Il nous faut le suivre d’abord jusque-là, et sa personnalité alors se révèlera à nous.

            Venez et voyez, leur dit-il. Pas question ici d’un renseignement topographique. Autrement dit, impossible de savoir où demeure Jésus sans y aller voir soi-même. Le verbe grec voir employé ici signifie plus que la vision physique ; il implique le discernement et la compréhension d’une réalité spirituelle, mais qui exigent un engagement préalable. En ce sens, Qui refuse de croire au Fils, ne verra pas la vie. Voir n’équivaut pas à assister de l’extérieur à un spectacle, mais constitue l’aboutissement de l’itinéraire à la suite de Jésus : C’est quand on se convertit au Seigneur que le voile tombe (2 Corinthiens 3,16).

            Ils allèrent donc et ils virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. Première étape d’une cohabitation qui s’épanouira dans la communion vitale la plus intime : Demeurez en moi comme moi en vous. Suivre Jésus mène en fin de compte à être là où il est lui-même.