Genèse 32, 4-31

Jacob rencontre Dieu

Père Paul Beauchamp

Cinquante portraits bibliques, p. 50s

 

          Jacob rencontre donc Dieu. Pas de récit sans désir et pas de désir sans qu’il y soit mis obstacle. Entre Jacob et le pays promis, coule un torrent appelé Yabboq. Obstacle qui est seulement naturel, mais, à ce titre, il symbolise toutes les forces qui dépassent l’homme. Le gué du Yabboq : passage à la fois ouvert et aléatoire. A ce gué, Jacob resta seul. Un homme, pour l’arrêter, se roula avec lui dans la poussière jusqu’au lever de l’aurore. Jacob, avec le torrent, traverse une autre de ses nuits, qui couvre une autre inconnue : l’identité de cet adversaire…

          Si sa force était sans limites, il ne demanderait pas à Jacob : Laisse-moi, car l’aurore est levée. Et Jacob ne veut pas. L’homme cède alors et le bénit. Jacob insatiable veut aussi savoir le nom de l’homme, qui refuse à son tour. En revanche, il donne à Jacob le nom d’Israël, l’élu par excellence, car dit-il : Tu as lutté avec Dieu, et tu l’as emporté.

          Qui était l’adversaire, homme ou Dieu ? On peut inférer de sa réponse que tout ce qui s’était joué jusqu’ici avec les hommes, audace ou ruse, se jouait avec Dieu. L’aurore s’est levée, Jacob y voit clair ; il dit quand l’homme est parti : J’ai vu Dieu face à face… Mais, cette fois non plus, il ne le savait pas.

          Si Jacob-Israël est élu, c’est que plus que quiconque il a voulu, par toutes ses fibres, être élu. Il le voulait dès le ventre de sa mère. Il s’y est acharné. Si Esaü avait eu un désir plus fort, il serait revenu plus tôt de la chasse ! La séparation du ciel et de la terre disparaît dans la poussière où les deux, en luttant, se roulent, s’amalgament le temps d’une nuit.

          Etre élu, c’est vouloir l’être. Cette conception ne remplace pas le mystère par une plate équivalence. Elle y fait descendre plus bas : plus nous pénétrons le désir de l’homme, plus la priorité de Dieu nous est rendue, comme il convient, invisible. Alors que la hauteur du ciel nous en donnait une image, la profondeur du torrent cache le lieu où Dieu donne lui-même à l’homme ce désir qu’il veut combler. Car d’où venait à Jacob ce désir ?