Joël 4, 9-21

Le couvent, école de Théologie

Père Guy Bédouelle

Dominique ou la grâce de la Parole, p. 157s

 

          A partir de la seconde moitié du XIII° siècle, la législation dominicaine rappelle l’obligation de l’étude pour tous les frères, ce qui prouve bien qu’on se heurtait à des difficultés d’horaire, à la concurrence du ministère, de la prédication, de la confession, des messes à assurer. Le chapitre provincial de Cahors, en 1255, et le chapitre général de Valenciennes, en 1259, par exemple, rappellent qu’il ne convient pas d’envoyer des frères en ville à l’heure du cours. Les Prieurs doivent assister au cours de l’école conventuelle, tout comme les autres. Au XIV° siècle, seuls les jubilaires en sont dispensés !

          Malgré l’entrée chez les Prêcheurs de professeurs déjà réputés, les enseignants ont manqué durant les trente premières années de l’Ordre. Ceux qu’on appelle chez les Dominicains les lecteurs, d’après le terme médiéval, sont du fait de leur rareté, préservés : il faut ménager le travail et le temps de ces hommes chargés de la tâche intellectuelle.

          Le chapitre général de 1239 recommande de ne pas élire, comme prieur ou comme définiteur, un lecteur en fonction ou en puissance, c’est-à-dire un frère dont le talent ou les connaissances peuvent laisser présager qu’il pourra enseigner. Parfois, quand on ne peut faire autrement, on se résignera à laisser, pour un temps, cumuler les deux fonctions sur un frère. Il est en effet difficile d’éviter de telles élections, car le lecteur est un religieux qui exerce son rôle à l’intérieur de l’institution conventuelle et se trouve comme exposé aux regards de ses frères. N’est-ce pas lui qui organise les disputes solennelles auxquelles on vient assister du dehors et qui marquent souvent l’apogée des périodes d’enseignement au début de l’Avent ou au commencement de Carême, avant que les frères ne se  dispersent pour la prédication ? Le lecteur est le théologien du couvent. S’il a des privilèges, pouvant être dispensé en partie de la récitation publique de l’office, ou bénéficier du silence d’une cellule séparée des autres, il doit être au service de tous, s’adapter à l’entendement de ses auditeurs, susciter leur intérêt et renouveler leur appétit de connaître en organisant pour le cercle des frères une dispute tous les quinze jours.