Matthieu 25, 1-13

L’huile des lampes

Saint Augustin

Sermon 93, 2.5-7, OC 17, p. 73s

 

           Ces cinq vierges d’une part et d’autre part ces cinq autres représentent tous les chrétiens sans exception. Voulez-vous toutefois que nous vous exprimions un sentiment que Dieu nous inspire ? Outre les âmes vulgaires, il y a dans l’Eglise de Dieu des âmes qui ont la foi catholique et qu’on voit s’exercer aux bonnes œuvres : parmi elles cependant, il y en a de sages et il y en a d’insensées.

          Oui, c’est parmi les jeunes filles qui portent des lampes, qu’on en distingue de sages et d’autres insensées. Mais d’où vient cette distinction ? Comment discerner les unes des autres ? Par l’huile, car l’huile signifie quelque chose de grand et de très grand : ne serait-ce point la charité ? Mais c’est plutôt une question de ma part qu’une affirmation précipitée. Je vous dirai donc pourquoi l’huile me semble être le symbole de la charité. Voici, dit l’apôtre, une voie encore plus élevée. Quelle est cette voie plus élevée ? Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis un airain sonnant ou une cymbale retentissante (1 Corinthiens 13,1). La charité est donc cette voie plus élevée, et ce n’est pas sans motif qu’elle est désignée par l’huile, puisque l’huile surnage au-dessus de tous les liquides. Mets dans un vase de l’eau et de l’huile ensuite : c’est l’huile qui prend le dessus. Au contraire, mets de l’huile d’abord et l’eau après ; c’est encore l’huile qui surnage ! Elle surnage donc toujours, quelque ordre que tu suives. Ainsi la charité ne succombe jamais.

          Ce qui entretenait les lampes des sages, c’était l’huile intérieure, la paix de la conscience, la gloire invisible, l’intime charité. Les lampes des insensées brillaient aussi ; pourquoi brillaient-elles ? C’est que les louanges humaines ne leur faisaient pas défaut ! Après le réveil, c’est-à-dire à la résurrection des morts, elles commenceront à préparer leurs lampes, à se disposer à rendre compte à Dieu de leurs œuvres. Mais alors, plus personne pour les louer, chacun s’occupe de soi, chacun pense à soi, et il n’y a plus de vendeurs d’huile ! Les jeunes filles sages, elles, entrèrent avec l’époux dans la salle des noces et la porte fut fermée.