Jean 6, 41-51

« Le pain que je donnerai, c’est ma chair »

Dom Augustin Guillerand

Ecrits Spirituels, Tome I, p. 290s

 

          Le Seigneur, jusque-là, s’en est tenu sur le terrain de l’assimilation spirituelle par la foi et de l’union dans l’Esprit que le Père répand au fond de l’âme et que le Verbe incarné fait retentir au dehors. La résistance de ses auditeurs qui ne comprennent pas ne ralentit pas son exposé. Il voit la lumière et la rayonne ; il laisse au Père le soin d’éclairer intérieurement ceux qui s’ouvriront à ce rayon. Pour lui, il avance.

            Arrivé là, il emploie un mot nouveau : Le pain que je donnerai est ma chair pour la vie du monde.

            Le pain dont il parle, c’est sa chair. Or sa chair est une chair réelle. Les auditeurs viennent d’objecter qu’ils connaissaient cette chair, qu’ils en savaient l’origine. Elle les arrête, elle est l’obstacle à leur foi. Ils savent son origine, ils ne peuvent pas croire quand on leur dit qu’elle vient du ciel. A ce moment, le Seigneur ne parlait pas d’elle, il parlait de la réalité qu’elle voile, il leur révélait cette réalité pour qu’en s’unissant à ce voile ils découvrent et rejoignent ce qu’elle cache. Il ne lui est pas nécessaire de dire ce qui est. Ensuite les âmes dociles, les âmes qui aiment la vérité, seront attirées à elle.

            Maintenant il en arrive à cette chair, il va dire quel sera son rôle dans l’union qui est la vie éternelle : il va montrer en elle le pain du ciel.

            Les auditeurs le comprennent de moins en moins. Ils ne peuvent admettre, même pour vivre éternellement, de manger la chair de cet homme qui leur parle : Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? Sa parole n’est plus admise, sa puissance est contestée ; la raison revendique ses droits, la foi que Jésus réclame est refusée.

            La vie est un principe intérieur, elle se déploie à partir du dedans et se communique de là au dehors. Il faut donc entrer en lui, le rejoindre en son être intime, et lui de son côté doit entrer en nous et venir occuper le fond de notre être. La manducation seule permet cela : l’aliment est ingéré pour être digéré, il est introduit en nous et transformé en nous par le principe intime avec lequel en le mangeant nous l’avons fait communiquer.

            Celui qui mange la chair du Fils de l’homme est ainsi uni à lui, assimilé par lui en cet intime foyer où ils se sont rejoints. En lui, en ce dedans que le Verbe du Père occupe, où le Père se donne à lui-même en se montrant son être qu’il exprime, celui qui mange les trouve l’un et l’autre, dans l’acte éternel de communication mutuelle, de communion qui est leur vie : De même que le Père qui vit m’a envoyé et que je vis par mon Père, ainsi celui qui ma mange vivra aussi par moi.