Qohelet 1, 1-18

Les énigmes du livre de Qohélet

Pères H. Duesberg et Irénée Fransen

Les scribes inspirés, p. 537s

         

          Paroles de Qohélet, Vanité des vanités, disait Qohélet, tels sont le titre et le début, le leit-motiv aussi de ce livre minuscule dont la saveur surprend jusqu’à déconcerter le lecteur de l’Ancien Testament en quête d’édification. Négations tranchantes, sentences austères, voire maussades, jugements sévères et sans appel, dédain de se plaindre de la mauvaise fortune, affectation d’insensibilité, satisfaction d’appuyer sur le côté déplaisant des choses, besoin de proclamer la faillite des entreprises humaines, plaisir malin de renvoyer dos-à-dos vers la mort et l’oubli, sage et fou, riche et pauvre, serf et roi, hommes et bêtes, part restreinte faite à la piété, éloge bourgeois de la médiocrité dorée, voilà les impressions premières qu’on ressent à le lire et dont on se défend mal, en dépit du désir que l’on éprouve de se l’expliquer comme l’œuvre d’un des scribes inspirés, dont la pensée élève et soutient plutôt qu’elle ne déprime.

          Cet auteur est un des plus difficiles à comprendre ; la preuve en est la multiplicité des interprétations qui lui furent infligées au cours des âges. S’il en eut le pressentiment, son pessimisme se justifie. Cependant, il faut convenir que dans ces divagations des critiques, il est quelque peu en faute. Son livre, dans la mesure qu’il en est l’auteur, se présentent sous plusieurs masques qui déroutent. Il pose de nombreuses énigmes dont on ne peut affirmer qu’elles soient déjà résolues ; énigmes de l’auteur du livre, de sa composition, de sa doctrine. C’est assez pour égarer l’opinion !

          Le nom même de notre auteur, Qohélet, a fait verser beaucoup d’encre. La version grecque l’a interprété par ekklèsiastès ; dans Platon, le terme signifie un membre de l’assemblée du peuple ekklèsia. Il doit être rare dans les inscriptions officielles, car on ne le trouve pas dans les recueils manuels de ces documents. Il signifie encore un orateur qui prend la parole dans l’ekklèsia ; mais plutôt, semble-t-il, pour opiner et délibérer que pour interpréter les sentiments de l’assemblée.