Qohélet 3, 1-23

Rien devant Dieu, grand dans le cœur de Dieu

Saint Bernard

Cinquième sermon sur la Dédicace, 3-5,

         

          Si je regarde mon âme en toute vérité, je dois reconnaître qu’elle est réduite à rien, captive de ses passions, remplie d’illusions, toujours inclinée au mal, et enténébrée d’ignorance. Si la lumière qui est en nous n’est que ténèbres, que seront donc les ténèbres ? Il est facile à chacun de nous, s’il veut s’examiner avec sincérité et sans fard, de rendre témoignage à la vérité, et de proclamer que celui qui croit être quelque chose, alors qu’il n’est rien, se trompe lui-même. Qu’est-ce donc l’homme, Seigneur, pour que tu penches vers lui ton cœur ?, dit le psalmiste plein de foi et d’humilité. C’est vrai, l’homme est devenu semblable à la vanité, l’homme a été réduit à rien, l’homme n’est rien. Et pourtant, comment peut-il n’être rien, celui que Dieu glorifie ? Comment peut-il n’être rien, celui sur qui Dieu penche son cœur ?

          Respirons, frères, car si nous ne sommes rien dans notre cœur, peut-être quelque chose de nous est-il caché dans le Cœur de Dieu. Ô Père des miséricordes, ô Père des miséreux, pourquoi penches-tu sur eux ton cœur ? Je sais, je sais : là où est ton trésor, là aussi est ton cœur. Comment alors ne sommes-nous rien si nous sommes le trésor de Dieu ? Toutes les nations sont devant toi comme si elles n’étaient rien, elles ne sont que néant et vide. Mais, c’est devant toi, et non pas en toi ! Car en toi, il n’en est pas ainsi. Elles ne sont rien au jugement de ta vérité, mais non pas au regard de ton amour. Car enfin tu appelles ce qui n’est pas comme ce qui est. Donc elles ne sont pas, puisque c’est ce qui n’est pas que tu appelles. Et puisque tu les appelles, elles sont. C’est-à-dire qu’elles ne sont pas en elles-mêmes, mais cependant en toi elles sont, et en toute vérité, selon les paroles de l’apôtre, non pas à cause de nos œuvres de justice, mais par Celui qui les appelle. C’est bien ainsi que tu consoles dans ta bonté celui que tu humilies dans ta vérité. Ainsi tu épanouis merveilleusement en toi celui que tu rabaisses en lui-même.

          Ô homme, lis en ton cœur, lis en toi-même, le témoignage de vérité sur toi-même, et tu te jugeras toi-même un rien à cette seule lumière. Et puis, lis dans le cœur de Dieu l’alliance qui a été scellée dans le sang du Médiateur. Et tu verras la différence entre ce que tu possèdes en espérance et ce que tu sembles avoir en réalité. Qu’est-ce donc que l’homme, Seigneur, pour que tu l’élèves ainsi ? Oui, l’homme est très grand, mais dans le cœur de Dieu par qui il est exalté.