La voie spirituelle de Bernadette
Père André Ravier
Les Ecrits de Bernadette et sa voie spirituelle, p. 523s

La vie de sainte Bernadette nous apparaît comme un long chemin de grâce et de croix. Elle s’achève en une mort qui reproduit d’une façon frappante la mort de Jésus sur le Golgotha. La Vierge de Massabielle le lui avait dit sans ambages : Je ne vous promets pas de vous faire heureuse en ce monde… Heureuse d’un bonheur terrestre, s’entend, car la joie profonde des enfants de Dieu ne lui fut pas refusée !
L’origine de cette voie spirituelle, il la faut situer, sans hésiter, à la naissance même de Bernadette, le 7 janvier 1844 : ce jour-là beaucoup lui était donné, parce que presque tout lui était refusé : l’aisance familiale, le confort, la sécurité, la santé…, sauf, et c’est l’essentiel, la grâce du baptême et des parents chrétiens. Le rythme qui sera le rythme fondamental de cette existence s’affirme déjà : pauvreté terrestre, richesse de grâce : Dieu sera tout pour elle.
Les apparitions de Massabielle constituent évidemment le tournant décisif de cette voie de Bernadette. Pour elle, les apparitions sont moins des événements à la chronologie précise, que la révélation d’un message. A Massabielle, elle se sent privilégiée sans doute, mais avant tout messagère. Et de ses rencontres avec la Vierge, elle garde d’abord une impression d’infinie beauté, de splendeur de lumière, mais en contraste le sentiment très vif de la gravité du péché, et de l’urgence pour tout chrétien, pour elle la première, de participer par la prière et l’offrande de son sacrifice personnel à la rédemption du Christ. Sa vie, dès lors, en est toute transformée, non pas en surface et dans les apparences, mais dans les fibres les plus intimes de son être : c’est son regard qui n’est plus tout à fait le même, elle voit les choses et les hommes comme Dieu les voit.
Massabielle est dès lors le haut lieu de son âme. Même lorsqu’elle vit à Nevers. Dans chaque lettre, sœur Marie-Bernard demande à son correspondant de prier pour elle quand vous irez à ma chère Grotte. Selon la consigne qui lui en avait été faite, mais surtout par instinct personnel, elle ne parlait pas des faits de 1858, mais elle y pensait toujours : L’oublier, oh ! Non, jamais, c’est là, et elle montrait son cœur. Ce qu’elle a vu et entendu à Massabielle, demeure actuel, présent, au centre le plus vivant de son être. C’est de la beauté entrevue alors que lui vient son recueillement de prière et de contemplation ; c’est des certitudes acquises là-bas que lui viennent sa force, son courage sous l’épreuve ; c’est des consignes de la Vierge de Massabielle que lui viennent son amour de la Croix, son oblation pour les pécheurs, son sens du sacrifice. C’est vraiment à Massabielle qu’elle est née à la vie mystique. C’est à Massabielle que la voie spirituelle de Bernadette a pris ses véritables dimensions, que son progrès a pris son rythme.