Sur Jérémie 8,13-9,9 et Jean 13,21…38
Judas se hâta de sortir : il faisait nuit
Saint Augustin
Traité sur saint Jean, p. 299s

Lorsque le Seigneur, pain de Vie, eut donné du pain à cet homme mort, et désigné en livrant le pain celui qui trahissait le pain, il lui dit : Ce que tu as à faire, fais-le vite ! Il ne commandait pas le crime : il découvrait son mal à Judas, et nous annonçait notre bien. Que le Christ fût livré, n’était-ce pas le pire pour Judas, et pour nous le meilleur ? Judas, donc, qui se nuit à lui-même, agit pour nous sans le savoir.
Ce que tu as à faire, fais-le vite ! : parole d’un homme qui est prêt, non d’un homme irrité. Parole où s’annonce moins le châtiment de celui qui vend, que le salaire de celui qui rachète. Car en disant : Ce que tu as à faire, fais-le vite, le Christ, plus qu’il ne s’en prend au crime de l’infidèle, cherche à hâter le salut des croyants.
Il a été livré à cause de nos péchés, il a aimé l’Eglise, et s’est livré pour elle. Aussi Paul dit-il très concrètement : Celui qui m’a aimé s’est livré pour moi. Et de fait, personne n’aurait livré le Christ, s’il ne s’était livré lui-même. Judas le trahit, mais c’est lui qui se livre : l’un négocie sa vente, et l’autre notre rachat. Ce que tu as à faire, fais-le vite : non que ce soit en ton pouvoir, mais c’est la volonté de celui qui peut tout.
Aussitôt la bouchée prise, Judas sortit. Il faisait nuit. Celui qui sortait était lui-même la nuit. Et quand la nuit fut sortie, Jésus dit : Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié. Alors, le jour transmet au jour la parole (Psaume 19,3), c’est-à-dire le Christ confie la parole à ses disciples pour qu’il lui obéisse dans l’amour. Et la nuit à la nuit passe le mot (Psaume 19,3), c’est-à-dire, Judas indique aux Juifs comment trouver Jésus pour qu’ils l’arrêtent.
Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié : je vois ici, mes frères, la figure d’un grand mystère. Judas est sorti, et Jésus a été glorifié ! Le fils de perdition sort, et le Fils de l’homme est glorifié : celui qui sortait c’était évidemment lui que tout à l’heure visaient ces mots : Vous êtes purs, mais non pas tous. Maintenant donc l’impur s’en va, les purs demeurent avec celui qui les rend purs. Quelque chose de semblable arrivera quand ce monde vaincu par le Christ passera, et que, dans le peuple de Dieu, rien d’impur ne restera. Alors, l’ivraie ayant cessé de se mêler au grain, les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père (Matthieu 13,4).