Sur Malachie 1,1-14 . 2,13-16
Mon Nom est révéré parmi les païens

Père Bernard Renaud
Reproches aux prêtres, AS62, p. 6s

Messianique, le règne de Dieu chez Malachie est universaliste ; aussi le prophète fait entendre son cri de triomphe : Mon Nom est révéré parmi les païens. Ce verset reprend intentionnellement certains termes de Malachie : De l’Orient au couchant, mon Nom est grand chez les nations, et en tous lieux un sacrifice d’encens est présenté à mon Nom, ainsi qu’une offrande pure ? Car grand est mon Nom chez les nations. Dans ce texte énigmatique, il est vraisemblable que le prophète se trouve pour ainsi dire projeté devant cet avenir définitif : la liturgie grandiose du Nom divin chez les peuples de toute la terre (Zacharie 14,9).
A cette étape de la Révélation, le Nom de Dieu concentre en lui toute la puissance et tout le dynamisme de l’être divin. L’expression revient à plusieurs reprises dans le dialogue (1,6 – 2,9), signe que c’est autour de lui que s’ordonne le ministère cultuel du sacerdoce. Avant la destruction du Temple, cette distinction théologique s’efface, mais le Nom divin garde une connexion étroite avec le culte, et c’est à lui, l’équivalent même de la personne même de Dieu, que s’adressent louange, action de grâces, honneur, amour,… C’est lui qui continue pour ainsi dire à médiatiser la présence divine.
Aussi, honorer Dieu, c’est craindre son Nom. La formule est devenue courante à l’époque postexilique et comporte indéniablement une résonnance liturgique. On connait les préoccupations cultuelles de Malachie : il veut ainsi souligner la gravité des défaillances sacerdotales, en opposant à la triste situation de la liturgie hiérosolymitaine de son temps la pureté du culte célébré par les païens. C’est au nom de sa foi, une foi vivante et personnelle, qu’il dénonce les irrégularités cultuelles. Sa conception de Dieu est trop haute, trop parfaite, pour qu’il puisse supporter qu’on fasse peu de cas des exigences divines. C’est pourquoi il faut identifier ici crainte et religion. Pour Malachie, la crainte de Dieu, c’est l’attitude religieuse globale, exprimant à la fois l’ébranlement de tout l’être devant la Révélation de sa Sainteté, le respect de la Transcendance, la conscience de sa petitesse devant la grandeur divine, enfin l’engagement total à l’égard de la volonté divine révélée. Cette attitude trouve certes sa plus haute expression dans les diverses manifestations du culte, mais, au-delà, elle résume en un seul mot la religion idéale vécue par les païens aux temps eschatologiques. Elles montrent clairement qu’alors les païens seront réellement intégrés au peuple de l’Alliance.