Sur Qohélet 8,5 – 9,10
Un sort unique pour tous

Père Bertrand Pinçon
Qohélet, le parti pris de la vie, p. 138s

Le thème de la mort, sujet dominant de l’ensemble du livre de Qohélet, revient au grand jour dans le passage lu aujourd’hui. Dans cette unité, les récurrences sont aisément repérables : amour et haine, un sort unique pour tous, le mal, l’opposition entre les morts et les vivants.
Qohélet introduit sa thèse en mentionnant quelques-unes des limites humaines, objets constants de son observation. Une première limite tient à la différence entre Dieu et les hommes : Dieu est au ciel, et toi, tu es sur la terre. Dès le début, s’exprime une affirmation de foi pour le juste et le sage selon laquelle leurs œuvres sont dans la main de Dieu. Cette affirmation, qui est finalement la conviction de fond de toute le livre, prépare la seconde limite qui est exclusivement le fait de l’homme lui-même : celui-ci n’est pas maître de ses sentiments ; les manifestations extérieures, comme les motions intimes, échappent à toute maîtrise. Rien ne peut y faire, pas même la sagesse, qui, selon la tradition en Israël, est source de bénédiction divine et de vie longue.
Le maître de sagesse reprend alors l’observation critique déjà exprimée dans le livre : la fin de tout homme est la même ! Un sort unique nous attend tous, un jour ou l’autre, qui que nous soyons, sage ou sot. Telle est notre destinée commune, au sujet de laquelle la condition humaine ne bénéficie d’aucun privilège. Devant la mort, tout est mis à plat : aucune considération cultuelle, religieuse ou éthique ne fait la différence : le pur comme l’impur, celui qui rend un culte comme celui qui refuse de le faire, celui qui est adroit comme celui qui ne l’est pas… Ce n’est pas la mort qui est visée au premier chef, mais ce qui en résulte, à savoir une même destinée pour tous. Et le jugement est sévère : c’est un mal dans tout ce qui se fait sous le soleil. Ces considérations s’achèvent par une de ces remarques autant funeste que provocatrice dont Qohélet est friand : on s’en va tous vers la mort !
En quelques versets, le maître de sagesse récapitule le contenu d’un enseignement qui court depuis les premiers chapitres de son œuvre et qui se fait encore insistant dans la seconde moitié de l’œuvre : nul ne connaît son futur, ni même son temps, ni ce que Dieu fera. Pas plus que le sujet de la connaissance, on ne peut mettre la main sur le jour de sa mort.