Sur Jérémie 15, 10-21
Impropères
Origène
Homélie 14 sur Jérémie, n° 5-6
Malheur à moi, ô ma mère ! Pourquoi m’avoir enfanté, moi qui suis un élément de contestation et de dispute par toute la terre ?
Je pense que ces mots ne conviendraient pas aussi bien aux autres prophètes qu’à Jérémie, car, pour la plupart des autres prophètes, ce n’est qu’après un certain temps, après le mal, après le péché, que, s’étant convertis, ils ont commencé à prophétiser, tandis que Jérémie prophétise depuis l’enfance. Il était encore dans les langes quand il fut orné de l’Esprit prophétique, et c’est depuis l’enfance qu’il prophétisa.
Mais la prophétie de Jérémie, au temps où il prophétisait, n’est pas parvenue à toute la terre. Ne serait-ce pas parce que Jérémie était nommé à la place de notre Seigneur Jésus Christ ? Et il l’est encore ici. Au commencement du livre, je me suis arrêté sur la parole : Voici que je t’ai établi sur des peuples et des royaumes, pour arracher et abattre, pour démolir et détruire, pour bâtir et planter. Or, Jérémie n’a rien fait de tout cela ; mais Jésus Christ, lui, a arraché les royaumes du péché, il a démoli les constructions du vice, et, à la place de ces royaumes, il a fait régner la justice et la vérité dans nos âmes.
De même donc qu’il convenait de rapporter cette parole-là au Christ plutôt qu’à Jérémie, il en va de même, à mon avis, pour beaucoup d’autres paroles et en particulier pour celle qui nous occupe. Il faut parler d’abord de : Malheur à moi !, à cause de son apparente inconvenance : le Sauveur qui s’apitoie sur les autres peut-il dire : Malheur à moi ! C’est la plainte de quelqu’un qui pleure. Mais il est dit dans l’évangile que Jésus, voyant Jérusalem, pleura sur elle et dit : Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes, toi qui lapides ceux qui te sont envoyés…
De toute évidence, le Sauveur dit encore la même chose dans notre passage : Malheur à moi, j’ai été engendré pour ramasser du chaume au temps de la moisson. Il était venu pour cueillir un fruit de vie chez les hommes, il ne trouve que beaucoup de péchés en nous, et c’est pourquoi il ajoute : et du grapillon au temps de la vendange.
Il dit encore ailleurs des choses semblables en s’adressant à son Père : A quoi sert mon sang et que je sois descendu ? (Psaume 29,10). Je suis descendu des cieux, je suis venu sur la terre, je me suis lié à la corruption, j’ai porté un corps humain : quelles belles actions dignes de cela les hommes ont-ils faites ? Oui, à quoi sert mon sang et que je sois descendu dans la corruption ?