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jeudi saint

Sur Jérémie 15, 10-21
Impropères

Origène
Homélie 14 sur Jérémie, n° 5-6

Malheur à moi, ô ma mère ! Pourquoi m’avoir enfanté, moi qui suis un élément de contestation et de dispute par toute la terre ?
Je pense que ces mots ne conviendraient pas aussi bien aux autres prophètes qu’à Jérémie, car, pour la plupart des autres prophètes, ce n’est qu’après un certain temps, après le mal, après le péché, que, s’étant convertis, ils ont commencé à prophétiser, tandis que Jérémie prophétise depuis l’enfance. Il était encore dans les langes quand il fut orné de l’Esprit prophétique, et c’est depuis l’enfance qu’il prophétisa.
Mais la prophétie de Jérémie, au temps où il prophétisait, n’est pas parvenue à toute la terre. Ne serait-ce pas parce que Jérémie était nommé à la place de notre Seigneur Jésus Christ ? Et il l’est encore ici. Au commencement du livre, je me suis arrêté sur la parole : Voici que je t’ai établi sur des peuples et des royaumes, pour arracher et abattre, pour démolir et détruire, pour bâtir et planter. Or, Jérémie n’a rien fait de tout cela ; mais Jésus Christ, lui, a arraché les royaumes du péché, il a démoli les constructions du vice, et, à la place de ces royaumes, il a fait régner la justice et la vérité dans nos âmes.
De même donc qu’il convenait de rapporter cette parole-là au Christ plutôt qu’à Jérémie, il en va de même, à mon avis, pour beaucoup d’autres paroles et en particulier pour celle qui nous occupe. Il faut parler d’abord de : Malheur à moi !, à cause de son apparente inconvenance : le Sauveur qui s’apitoie sur les autres peut-il dire : Malheur à moi ! C’est la plainte de quelqu’un qui pleure. Mais il est dit dans l’évangile que Jésus, voyant Jérusalem, pleura sur elle et dit : Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes, toi qui lapides ceux qui te sont envoyés…
De toute évidence, le Sauveur dit encore la même chose dans notre passage : Malheur à moi, j’ai été engendré pour ramasser du chaume au temps de la moisson. Il était venu pour cueillir un fruit de vie chez les hommes, il ne trouve que beaucoup de péchés en nous, et c’est pourquoi il ajoute : et du grapillon au temps de la vendange.
Il dit encore ailleurs des choses semblables en s’adressant à son Père : A quoi sert mon sang et que je sois descendu ? (Psaume 29,10). Je suis descendu des cieux, je suis venu sur la terre, je me suis lié à la corruption, j’ai porté un corps humain : quelles belles actions dignes de cela les hommes ont-ils faites ? Oui, à quoi sert mon sang et que je sois descendu dans la corruption ?

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mercredi saint

Sur Jérémie 11,18-20.12,1-13 et Matthieu 26,14-25
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis

Saint Augustin
Traité sur l’évangile de saint Jean, 84, n° 1-2

La plénitude de l’amour, le Seigneur l’a définie lorsqu’il a dit : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Il en découle ce que le même évangéliste saint Jean dit dans sa lettre : De même que le Christ a donné sa vie pour nous, de même devons-nous donner notre vie pour nos frères. Oui, nous devons nous aimer mutuellement comme il nous a aimés, lui qui a donné sa vie pour nous.
C’est bien ce qu’on lit dans les Proverbes de Salomon : Si tu t’assieds à la table d’un grand, regarde bien les mets qui te sont servis, et prépare-toi à l’action, car tu sais que tu dois lui en offrir autant. Quelle est cette table d’un grand, sinon celle où l’on consomme le corps et le sang de celui qui a donné sa vie pour nous ? Qu’est-ce que s’y asseoir, sinon y prendre place humblement ? Qu’est-ce que bien regarder les mets qui te sont servis, sinon prendre conscience d’une si grande grâce ? Qu’est-ce que te préparer à l’action parce que tu dois lui en offrir autant, sinon ce que j’ai déjà dit : que nous devons donner notre vie pour nos frères, comme le Christ a donné sa vie pour nous ? Comme le dit en effet l’apôtre Pierre : Le Christ a souffert pour nous, et nous a laissé son exemple afin que nous suivions ses traces : c’est cela, lui en offrir autant. C’est ce que les martyrs ont fait avec un ardent amour. Si nos célébrations sur leurs tombeaux ont un sens, si nous prenons place à la table du Seigneur pour le banquet où ils se sont eux-mêmes rassasiés, il faut que, comme eux, nous sachions en offrir autant.
Ceci ne signifie pas que nous puissions égaler le Christ Seigneur, si nous témoignons pour lui jusqu’à verser notre sang. Il avait le pouvoir de donner sa vie et de la reprendre ; mais nous, nous ne vivons pas autant que nous voulons, et nous mourons même si nous ne le voulons pas. Lorsqu’il est mort, lui le Christ, il a aussitôt anéanti la mort, et nous, nous sommes délivrés de la mort dans sa mort. Sa chair n’a pas connu la corruption ; notre chair, après la corruption, à la fin du monde, sera revêtue par lui d’incorruptibilité. Lui n’avait pas besoin de nous sauver, tandis que sans lui, nous ne pouvons rien faire : il s’est montré comme la vigne dont nous sommes les sarments, et nous ne pouvons avoir la vie en-dehors de lui.
Enfin, si des frères meurent pour leurs frères, néanmoins le sang d’aucun martyr n’est versé pour le pardon des péchés commis par ses frères, ce que le Seigneur a fait pour nous. En cela, il ne nous a pas chargés de l’imiter, mais de lui rendre grâce. Lorsque les martyrs ont versé leur sang pour leurs frères, ils en ont donc offert autant que ce qu’ils avaient reçu à la table du Seigneur. Aimons-nous donc les uns les autres, ainsi que le Christ nous a aimés et s’est livré pour nous.

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mardi saint

Sur Jérémie 8,13-9,9 et Jean 13,21…38
Judas se hâta de sortir : il faisait nuit
Saint Augustin
Traité sur saint Jean, p. 299s

Lorsque le Seigneur, pain de Vie, eut donné du pain à cet homme mort, et désigné en livrant le pain celui qui trahissait le pain, il lui dit : Ce que tu as à faire, fais-le vite ! Il ne commandait pas le crime : il découvrait son mal à Judas, et nous annonçait notre bien. Que le Christ fût livré, n’était-ce pas le pire pour Judas, et pour nous le meilleur ? Judas, donc, qui se nuit à lui-même, agit pour nous sans le savoir.
Ce que tu as à faire, fais-le vite ! : parole d’un homme qui est prêt, non d’un homme irrité. Parole où s’annonce moins le châtiment de celui qui vend, que le salaire de celui qui rachète. Car en disant : Ce que tu as à faire, fais-le vite, le Christ, plus qu’il ne s’en prend au crime de l’infidèle, cherche à hâter le salut des croyants.
Il a été livré à cause de nos péchés, il a aimé l’Eglise, et s’est livré pour elle. Aussi Paul dit-il très concrètement : Celui qui m’a aimé s’est livré pour moi. Et de fait, personne n’aurait livré le Christ, s’il ne s’était livré lui-même. Judas le trahit, mais c’est lui qui se livre : l’un négocie sa vente, et l’autre notre rachat. Ce que tu as à faire, fais-le vite : non que ce soit en ton pouvoir, mais c’est la volonté de celui qui peut tout.
Aussitôt la bouchée prise, Judas sortit. Il faisait nuit. Celui qui sortait était lui-même la nuit. Et quand la nuit fut sortie, Jésus dit : Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié. Alors, le jour transmet au jour la parole (Psaume 19,3), c’est-à-dire le Christ confie la parole à ses disciples pour qu’il lui obéisse dans l’amour. Et la nuit à la nuit passe le mot (Psaume 19,3), c’est-à-dire, Judas indique aux Juifs comment trouver Jésus pour qu’ils l’arrêtent.
Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié : je vois ici, mes frères, la figure d’un grand mystère. Judas est sorti, et Jésus a été glorifié ! Le fils de perdition sort, et le Fils de l’homme est glorifié : celui qui sortait c’était évidemment lui que tout à l’heure visaient ces mots : Vous êtes purs, mais non pas tous. Maintenant donc l’impur s’en va, les purs demeurent avec celui qui les rend purs. Quelque chose de semblable arrivera quand ce monde vaincu par le Christ passera, et que, dans le peuple de Dieu, rien d’impur ne restera. Alors, l’ivraie ayant cessé de se mêler au grain, les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père (Matthieu 13,4).

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lundi saint

Sur Jérémie 26,1-15 et Jean 12,1-11
L’onction de Béthanie
Grégoire le Grand
Homélies sur l’Evangile, tome II, Sources Chrétiennes 522, p. 299s

En réfléchissant sur la pénitence de Marie, j’ai plus envie de pleurer que de parler. Quel est celui dont les larmes de cette pécheresse n’attendriraient pas le cœur de pierre pour qu’à son exemple il se repente ? Elle considéra ce qu’elle avait fait, et ne voulut pas mesurer ce qu’elle allait faire. Elle entra parmi les convives, elle vint sans être invitée, au milieu d’un banquet elle offrit des larmes. Apprenez quelle douleur la brûle, elle qui ne rougit pas de pleurer même au milieu d’un banquet. Cette femme, Luc l’appelle pécheresse, Jean la nomme Marie, et nous croyons qu’il s’agit de cette Marie dont Marc assure que sept démons avaient été chassés. Or, que désigne les sept démons, sinon l’ensemble des vices ? Comme le temps tout entier est renfermé en sept jours, le nombre sept représente bien l’universalité. Marie a donc eu sept démons, puisqu’elle fut remplie de tous les vices. Marie voici qu’elle regarda la honte de ses souillures, elle courut les laver à la source de la miséricorde, sans rougir de la présence des convives. Qu’admirons-nous donc, frères : Marie qui vient, ou le Seigneur qui l’accueille ? Dirai-je : qui l’accueille ou qui l’attire ? Je dirai mieux : qui l’attire et qui l’accueille, car celle qu’il a attirée au-dedans par sa miséricorde, il l’a accueillie au-dehors avec douceur.
Cette femme, livrée jusque-là à des activités licencieuses, utilisait de l’huile de senteur pour parfumer son corps. Ce qu’elle s’était accordé pour sa honte, elle l’offrait maintenant en louange à Dieu. Ses yeux avaient servi ses convoitises terrestres, elle les usait maintenant par les larmes de la pénitence. Elle avait fait montre de ses cheveux, se composant un visage ; maintenant, de ses cheveux, elle essuyait ses larmes. Sa bouche avait prononcé des paroles orgueilleuses, mais, embrassant les pieds du Seigneur, elle la collait maintenant aux pas de son Rédempteur. Elle convertit en autant de vertus ses nombreux vices, afin de mettre au service de Dieu, dans la pénitence, tout ce par quoi elle avait méprisé Dieu dans le péché.
Frères, que pensez-vous qu’est l’amour, sinon un feu ? Et le péché, sinon une rouille ? Et le Seigneur de penser que cette pécheresse a totalement consumé la rouille du péché, puisqu’elle brûle désormais ardemment du feu de l’amour. Celle qui était venue malade vers le médecin est guérie, d’autres sont maintenant malades de sa guérison. Le médecin céleste ne regarde pas les malades dont il voit que le médicament même les rend pires. Quant à celle qu’il a guérie, il la fortifie par des paroles de bonté.

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dimanche des Rameaux et de la Passion, 3° lecture

Sur Luc 22,14 – 23,56
La kénose du Fils

Hans Urs von Balthasar
La Gloire et la Croix, Tome III, Nouvelle Alliance, p. 194s

Jésus est d’abord et avant tout celui qui est livré par Dieu et par tous les hommes ; plus tard seulement, la réflexion théologique soulignera avec raison que Jésus se livre lui-même : Il fut livré à cause de nos fautes, et il est ressuscité à cause de notre justification (Romains 4,25). Cette formule prépaulinienne est relayée par des tournures indiquant une finalité : Le Fils de l’homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude (Marc 10,45b). Enfin il est question de don de soi : Le Fils de Dieu m’a aimé et s’est livré pour moi (Galates 2,20). Mais ce don de soi n’est « acte » qu’en étant consentement à être livré. Tout cela ne peut être pensé que trinitairement, si bien que toute l’action judiciaire reste enfermée entre l’amour du Père qui livre (Jean 3,16), et l’amour du Fils qui laisse disposer de soi : dans la parenthèse se trouve toute la violence de la malédiction du péché du monde tombant sur l’Unique qui la porte.
Il est vrai que des paroles se font encore entendre devant les tribunaux humains, sur le chemin de la croix et au Calvaire ; mais ce qui domine est pourtant le silence toujours plus profond. Un silence qui suscite l’étonnement (Marc 15,5), et la moquerie (Luc 23,9), silence justifié aussi par l’inutilité désormais de toute parole (Luc 22,67). Jésus devient l’agneau qui, sur le chemin de l’abattoir, n’ouvre pas la bouche (Isaïe 53,7). La grande parole de la Croix, la seule que rapportent Marc et Matthieu, est le cri lancé vers le Dieu perdu ; son authenticité est prouvée par l’incompréhension des assistants : Il appelle Elie. Doit être aussi considérée comme originale la parole sur la soif (Jean 19,28), qui explique mieux que les Synoptiques l’éponge imbibée de vinaigre. Elle est spécifiquement johannique : la source d’eau vive qui jaillit en vie éternelle, qui veut s’offrir à tous pour les abreuver (Jean 7,37), en vient, par pure effusion de soi, à avoir soif elle-même. La conclusion terrestre que Jean désigne comme « l’achèvement » est le don de ce qui reste au Fils de plus intime et qui est l’intention la plus urgente, le but même de cette eucharistie de la Croix : le don de l’Esprit d’un côté, de l’autre celui du cœur ouvert, liquéfié. En Marc, l’esprit est simplement exhalé ; Luc est plus explicite dans la prière : Père, je remets mon esprit entre tes mains, le Fils en mourant accomplit une action. Jean est plus explicite encore : Il baissa la tête et remit son esprit. Remise peut-être plus au monde qu’au Père, comme l’indique la tête penchée, et l’inspiration immédiate de l’Esprit dans l’Eglise le jour de Pâques : dans la mort, son Esprit devient libre (Jean 7,39). En même temps, dans le cœur transpercé, le sang et l’eau deviennent libres ; chez Jean, ils ont incontestablement un sens sacramentel, et sont associés à l’Esprit en une triade (1 Jean 5,6.8) qui atteste aussi bien le Christ que l’Eglise née de lui. L’espace du cœur est ouvert, vide, accessible à tous ; c’est dans ce dépouillement que s’achève la kénose. Le corps du Christ est le nouveau Temple d’Ezéchiel d’où jaillit la source de vie. Et le sang de l’Agneau égorgé, jusqu’alors réservé à Dieu seul, sera désormais, séparé de la chair livrée, la nourriture du nouvel Israël.

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dimanche des Rameaux et de la Passion, 2° lecture

Sur Jérémie 22,1-9 . 23,1-8
Notre Ordre, c’est la croix du Christ
Aelred de Rievaulx
Sermons pour l’année, Pain de Cîteaux 11, série 3, p. 153s

Célébré par tous les chrétiens, avec tant de zèle et d’empressement, le jour où nous sommes suffit à aviver la ferveur en nos cœurs, aussi bien parce qu’on y écoute le récit de la Passion du Seigneur que parce qu’on y fait mémoire de notre salut.
En premier lieu, frères, voyez comme on souligne aujourd’hui devant nous deux réalités qui concernent notre Seigneur Jésus-Christ : la gloire immense que le peuple juif lui a rendue en ce monde, et les outrages considérables que ce même peuple lui infligea. Lorsque le Seigneur arriva à Jérusalem, assis sur un âne, une foule nombreuse vint à sa rencontre ; ils amenèrent l’ânon à Jésus, puis jetant sur lui leurs vêtements, ils firent monter Jésus ; tous, remplis de joie, se mirent à louer Dieu à pleine voix : Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur. Plus loin, dans l’évangile, on raconte également quels outrages le même peuple fit endurer au Seigneur. Il fut en effet ligoté par eux, souffleté, conspué, et enfin condamné à une mort jugée infâme. Remarquez bien que j’ai dit le même peuple et non pas les mêmes hommes ; car ils étaient juifs ceux qui accueillirent le Seigneur avec tant d’honneur, et ils étaient juifs ceux qui lui ont fait subir de tels outrages.
Notre Seigneur a été établi pour la chute et le relèvement d’un grand nombre ; il est un signe en butte à la contradiction. Le signe qui a été élevé au milieu des nations, c’est le signe de sa Passion, le signe de sa croix, signe que le monde entier a contredit : Nous prêchons un Christ crucifié, scandale pour le Juifs, folie pour les païens.
Je dis la vérité, je ne mens pas : notre Ordre, c’est la croix du Christ. Dès lors, frères, veillez soigneusement à deux choses : ne vous éloignez jamais de la croix du Christ, et, une fois placés sur la croix, ne faites rien contre la croix. Suivez le Christ là où il vous a précédés par sa croix : la croix du Christ est notre gloire, elle est notre vie. Tournons-nous vers le Seigneur, tâchons d’obtenir sa miséricorde, qu’il daigne poser son regard sur chacun d’entre nous : pour nous il n’hésita pas à être livré aux mains des coupables et à subir le supplice de la croix.

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solennite de saint Joseph, 3° lecture

sur Matthieu 1,16 . 18-21 . 24a
Le mariage avec Marie

Saint Jean Paul II
DC n° 1994, 19 novembre 1989, p. 984-985

Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint, et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Ces paroles contiennent le noyau central de la vérité biblique sur saint Joseph, sur le moment de son existence auquel se réfèrent en particulier les Pères de l’Eglise.
L’évangéliste Matthieu explique la signification de ce moment, en précisant comment Joseph l’a vécu. Mais pour comprendre pleinement son contenu et son contexte, il est important d’avoir présent à l’esprit le passage parallèle de l’évangile de Luc où l’origine de la maternité de Marie par le fait de l’Esprit Saint est décrite de façon plus détaillée et plus explicite. Les paroles de l’ange Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi provoquent un trouble intérieur en Marie et l’amène à réfléchir. Marie, répondant au clair dessein de Dieu, au fur et à mesure que s’écoulent les semaines, se présente devant les gens et devant Joseph comme enceinte, comme celle qui doit enfanter et qui porte en elle le mystère de la divinité.
En de telles circonstances, Joseph, son époux, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il résolut de la répudier secrètement. Il ne savait pas quelle attitude adopter devant cette étonnante maternité. Il cherchait une réponse à la question qui l’inquiétait, une issue à cette situation difficile pour lui. Alors qu’il avait formé le projet de la répudier secrètement, l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint.
Il y a une analogie étroite entre l’annonciation du texte de Matthieu et celle du texte de Luc. Le messager divin introduit Joseph dans le mystère de la maternité de Marie. Celle qui est son épouse devant la Loi, tout en restant vierge, est devenue Mère par le fait de l’Esprit Saint. Et quand le Fils que Marie porte en son sein viendra au monde, il devra recevoir le nom de Jésus. Le messager s’adresse à Joseph en tant qu’époux de Marie, celui qui, le moment venu, devra donner le nom de Jésus au Fils qui naîtra de la Vierge de Nazareth. Il s’adresse donc à Joseph en lui confiant les devoirs d’un père terrestre à l’égard du Fils de Marie.
A son réveil, Joseph fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse. Il la prit avec tout le mystère de sa maternité, il la prit avec le Fils qui devait venir au monde par le fait de l’Esprit Saint : il manifesta ainsi une disponibilité de volonté semblable à celle de Marie.

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solennite de saint Joseph, 2° lecture

La vie de saint Joseph
Jaime Garcia
Lire l’Evangile de Matthieu à la lumière d’Augustin, tome I, p. 47s

Il est de tout intérêt de méditer la vie de saint Joseph. En lui, nous trouvons l’expression le plus parfaite de ce que doit être notre vie dans le travail humble et silencieux de chaque jour.
Silencieux, Joseph est l’homme qui se sacrifie pour les autres. Dans l’évangile, il n’apparaît que lorsqu’il y a quelque chose de désagréable à faire, quand les choses ne marchent pas bien, ou pas du tout ! Sa vocation a été de protéger Jésus et Marie. Lorsque les Mages viennent adorer Jésus, l’évangile dira : Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. De Joseph, on n’en parle pas. En revanche, quand il faut partir pour l’Egypte, il est là : Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, et fuis en Egypte, lui dira l’ange.
Joseph est appelé l’homme juste, c’est-à-dire l’homme qui se donne, qui s’offre entièrement à Dieu et aux autres. C’est bien vrai que la justice est de donner à chacun ce qui lui est dû. Et Dieu qui est la Justice même, devrait nous donner récompense si nous faisons le bien, ou châtiment si nous faisons le mal. La Justice de Dieu est la fidélité de Dieu à lui-même, à ce qu’il est, à son amour tout gratuit, à sa miséricorde. Et Dieu nous demande d’être juste comme lui est juste, c’est-à-dire d’être miséricordieux comme lui est miséricordieux. Joseph, l’homme juste, est donc l’homme de l’amour et de la miséricorde, il est l’image vraie de Dieu.
Joseph, l’homme juste, l’homme de l’Alliance, l’homme de l’amour à l’égard de Dieu et de Marie, entend la voix du Seigneur dans la nuit, au milieu de l’obscurité de ses doutes : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, tu l’appelleras du nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
L’amour, le dévouement de Joseph à l’égard de Marie, l’amènent à faire une rencontre directe, immédiate avec le Seigneur. La fidélité, le respect des uns à l’égard des autres, nous amènent à faire une rencontre intime et personnelle avec le Seigneur. L’amour des uns à l’égard des autres est la lumière qui nous fait marcher en toute clarté, au milieu de l’obscurité, au milieu des soucis et des difficultés que nous pouvons rencontrer, comme saint Joseph, au milieu de notre vie.

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vendredi de la 5° semaine de careme

Sur Nombres 22,1-8a . 20-35
Balaam le magicien
Origène
Homélies sur les Nombres, tome II, homélie 12, n° 4-8, p. 131s

Ce que nous l’Ecriture raconte au sujet de Balaam et de son ânesse est une histoire pleine de difficultés, mais le sens spirituel en présente encore plus !
Balaq, fils de Cippor, roi de Moab, est menacé par la guerre : six cent mille guerriers envahissent son pays. Au lieu de mobiliser son armée, il envoie, chargés de présents, des messagers à Balaam pour lui demander de venir afin de maudire le peuple sorti d’Egypte. Balaam s’en rapporte à Dieu lequel lui interdit de bouger. Le roi de Moab dépêche à nouveau ses messagers : négligeant la guerre, il met tout son espoir dans les paroles de malédictions que lancera Balaam contre le peuple d’Israël : Voici qu’un peuple sorti d’Egypte couvre le pays à perte de vue, il s’est établi en face de nous, dit-il a Balaam. C’est que Balaam était renommé dans son art de la magie, inégalé dans ses incantations maléfiques.
Le roi était aussi poussé par une raison plus forte : il avait appris que les fils d’Israël remportent généralement la victoire sur leurs ennemis par la prière, non par les armes, moins par le fer que par les supplications. Il a réfléchi et s’est dit : puisque les armes ne peuvent l’emporter contre les prières et les supplications de ce peuple, il me faut trouver des supplications, des armes verbales et des prières qui puissent l’emporter sur les leurs. Aussi a-t-il dépêché des envoyés à Balaam pour qu’il oppose paroles à paroles et prières à prières.
Alors, Balaam prend les instruments divinatoires : d’ordinaire, les démons viennent à lui, mais il voit au contraire les démons s’enfuir, et Dieu qui se présente à lui et lui dit : Ne maudis pas ce peuple, car il est béni. Balaam importune Dieu et lui extorque en quelque sorte la permission d’aller maudire les fils d’Israël. Il monte sur son ânesse. L’ange, celui qui veille sur Israël, arrive à sa hauteur ; Balaam lui demande de pouvoir poursuivre sa route, mais en chemin, il est comprimé contre le mur par son ânesse. Balaam voit les démons, ne voit pas l’ange, pourtant l’ânesse le voit. Non pas qu’elle méritât de voir l’ange, pas plus qu’elle ne méritait de parler, mais c’était pour confondre Balaam, et pour que, comme dit l’Ecriture (2 Pi 2,16) : Une réponse à voix humaine par un animal muet démontrât la folie du prophète.
Dans l’Evangile, tu comprendras que Jésus envoie ses disciples chercher une ânesse attachée avec son petit, pour que les disciples la lui amène. Peut-être que cette ânesse, c’est-à-dire l’Eglise, portait auparavant Balaam ; maintenant qu’elle est libérée de ses liens, elle porte le Christ, si bien que le Fils de Dieu peut s’asseoir sur elle et entrer avec elle dans la cité sainte, la Jérusalem céleste. Dans l’ânesse, l’Ecriture reconnaît les croyants issus des Juifs, et dans le petit ânon ceux qui sont issus des Gentils et qui croient au Christ Jésus, notre Seigneur.

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jeudi de la 5° semaine de careme

Sur Nombres 20,1-13 . 21,4-9
Le serpent élevé sur le bois
Saint Augustin
Œuvres Complètes 9, Traité sur l’évangile de Jean, Traité XII, n° 11, p. 376s

Dans le désert, le peuple d’Israël succombait sous les cruelles morsures des serpents ; la mort faisait de nombreuses victimes. C’était la main de Dieu qui les châtiait et les frappait pour les instruire. C’était en même temps un signe des plus marquants du mystère de la réalité à venir, ainsi que l’atteste le Seigneur dans l’évangile. En effet, dans le désert, Dieu ordonna à Moïse de fabriquer un serpent d’airain, de l’élever sur un bois, et de recommander à tous ceux qui auraient été mordus par les serpents de regarder ce serpent élevé sur le bois. Moïse exécuta l’ordre de Dieu, et tous ceux qui, mordus par un serpent, regardaient le serpent d’airain, étaient guéris.
Que représentent ces serpents qui déchirent par leurs morsures ? Les péchés, fruits de la chair mortelle. Que signifie ce serpent élevé sur le bois ? La mort du Seigneur sur la croix. C’est du serpent que vient la mort, elle est figurée par l’image du serpent. La morsure du serpent donne la mort, mais la mort du Seigneur rend la vie. Il suffisait de regarder le serpent pour détruire l’effet de ses morsures. Qu’est-ce à dire ? Pour que la mort n’ait plus aucun pouvoir, on regarde la mort. Mais de quelle mort s’agit-il ? De la mort de la vie, si on peut parler ainsi. Hésiterai-je à dire ce qui a dû se faire ? Quoi, j’hésiterai à dire ce que le Seigneur a daigné accomplir pour moi ? Est-ce que Jésus Christ n’est pas la vie ? Et cependant il a été attaché à la croix. Est-ce que Jésus Christ n’est pas la vie ? Et cependant il est mort. Mais dans la mort de Jésus Christ, la mort a trouvé sa propre mort, parce que la vie, frappé par la mort, a détruit l’empire de la mort, la plénitude de la vie a comme englouti la mort, la mort a été comme absorbée dans le corps de Jésus Christ.
Voilà ce que nous dirons nous-mêmes au moment de la résurrection, lorsque nous ferons entendre ce chant de triomphe : Mort, où est ta puissance ? Mort, où est ton aiguillon ? En attendant, frères, jetons les yeux sur Jésus Christ crucifié pour être guéris de nos péchés : ceux qui considèrent avec foi la mort de Jésus Christ sont guéris des morsures de leurs péchés. Les Israélites, en échappant à la mort, ne recouvrait qu’une vie temporelle et passagère ; mais ici notre Seigneur nous promet une vie éternelle. Voilà, en effet, la différence entre le signe figuratif et l’objet figuré : le signe figuratif ne donnait qu’une vie temporelle, l’objet figuré nous donne la vie éternelle.