Sur Galates 1, 11-24
L’aveuglement de Paul, cause de sa conversion
Saint Augustin
Lettre 185, à Boniface, OC 5, p. 562s

Qui peut nous aimer plus que Jésus Christ, lui qui a donné sa vie pour ses brebis ? Cependant quoiqu’il eût par sa parole seule appelé à lui Pierre et les autres disciples, quand il voulut gagner Paul, auparavant Saul, pour faire un grand propagateur de son Eglise de celui qui en était auparavant un des plus terribles persécuteurs, il n’eut pas seulement recours à la voix, mais il le renversa avec violence ; et pour forcer cet ennemi farouche, plongé dans la cruauté et les ténèbres de l’infidélité, à désirer la lumière du cœur, il le frappa de cécité. Si ce n’eut pas été un châtiment réel, Saul n’aurait pas été guéri plus tard, et si ses yeux, qui tout ouverts ne voyaient plus rien, avaient été sains, il n’aurait pas fallu, comme le rapporte l’Ecriture, qu’Ananie, par l’imposition de ses mains, fît tomber des yeux de cet aveugle les écailles qui les couvraient. Que deviennent donc les vains propos de ceux qui s’écrient sans cesse qu’il est libre à chacun de croire ou de ne pas croire ? A qui le Christ, disent-ils, a-t-il fait violence ? Qui a-t-il forcé à croire ? Ils ont pour les confondre l’exemple de l’apôtre saint Paul. Qu’ils reconnaissent ici le Christ qui d’abord force, puis ensuite enseigne, qui commence par frapper pour consoler ensuite. N’est-ce pas une chose merveilleuse que celui qui a été forcé par un châtiment corporel, converti à l’Evangile, ait fait pour l’Evangile plus que tous ceux qui avaient été appelés par la parole seule du Sauveur, et que sa charité ait été d’autant plus parfaite et plus capable de chasser la crainte, que la crainte qui l’avait poussé à la charité, avait été plus grande et plus forte ?
C’est dans ce sens qu’on peut entendre le passage où saint Paul écrit, dans sa deuxième lettre aux Corinthiens (10,6) : Nous sommes résolus à châtier toute désobéissance, après que vous aurez satisfait à ce que l’obéissance demande de vous. Le Seigneur lui-même ordonne d’abord d’amener les convives à son grand festin, et ensuite de les y forcer : Allez le long des chemins et des haies, forcez à entrer tous ceux que vous trouverez. Dans ceux qui sont venus de plein gré, c’est l’exemple de l’obéissance accomplie ; dans ceux qui sont amenés de force, c’est la désobéissance qui est réprimée.