Sur Luc 15,1-3 . 11-32
Car ton frère était mort, et il est revenu à la vie

Saint Jean-Paul II
Dives in Misericordia, Le Centurion, 1980, p. 51s

La miséricorde, telle que le Christ l’a présentée dans la parabole de l’enfant prodigue, a la forme intérieure de l’amour, lequel est capable de se pencher sur chaque enfant prodigue, sur chaque misère humaine, et surtout sur chaque misère morale, sur le péché. Lorsqu’il en est ainsi, celui qui est l’objet de la miséricorde ne se sent pas humilié, mais comme retrouvé, revalorisé. Le Père lui manifeste avant tout sa joie de ce qu’il ait été retrouvé et soit revenu à la vie. Cette joie manifeste qu’un bien était demeuré intact : un fils, même prodigue, ne cesse pas d’être réellement fils de son père ; elle est en outre la marque d’un bien retrouvé, qui, dans le cas de l’enfant prodigue, a été le retour à la vérité sur lui-même.
Ce qui s’est passé entre le Père et le fils ne peut être saisi de l’extérieur. Nos préjugés au sujet de la miséricorde sont le plus souvent le résultat d’une évaluation purement extérieure. Il nous arrive parfois, en considérant les choses ainsi, de percevoir surtout dans la miséricorde un rapport d’inégalité entre celui qui l’offre et celui que la reçoit. Par conséquent, nous sommes prêts à en déduire que la miséricorde offense celui qui en est l’objet, qu’elle offense la dignité de l’homme. La parabole de l’enfant prodigue montre que la réalité est toute autre : la relation de miséricorde se fonde sur l’expérience commune de ce bien qu’est l’homme, sur l’expérience commune de la dignité qui lui est propre. Cette expérience commune fait que l’enfant prodigue commence à se voir lui-même et à voir ses actions en toute vérité ; et précisément à cause de cela, il devient au contraire pour son Père un bien nouveau : le Père voit avec tant de clarté le bien qui s’est accompli grâce au rayonnement mystérieux de la vérité et de l’amour, qu’il semble oublier tout le mal que son fils avait commis.
La parabole de l’enfant prodigue exprime d’une façon simple, mais profonde, la réalité de la conversion. Celle-ci est l’expression la plus concrète de l’œuvre de l’amour et de la présence de la miséricorde dans le monde humain. La signification véritable et propre de la miséricorde ne consiste pas seulement dans le regard, fût-il pénétrant et le plus chargé de compassion : la miséricorde se manifeste dans son aspect propre et véritable quand elle valorise, quand elle promeut, quand elle tire le bien de toutes les forces du mal qui existent dans le monde et dans l’homme. Ainsi entendue, elle constitue le contenu fondamental du message du Christ et la force constitutive de sa mission.