Sur 2 Corinthiens 12,14 – 13,13
Le saint baiser
Saint Jean Chrysostome
Homélie 30 sur la seconde lettre aux Corinthiens, OC 18, p. 49s

La charité est la mère des biens sans nombre. Nous nous sauverons en la pratiquant, elle nous livrera le trésor caché de la complète béatitude. Paul en donne l’impulsion, quand il dit : Saluez-vous mutuellement par un saint baiser. Saint, et comment ? En ce qu’il ne sera ni frauduleux, ni dissimulé, comme celui que le Christ reçut de Judas. Le saint baiser nous est donné comme le signe de l’amour véritable, l’aliment de cette flamme sacrée, afin que nous nous aimions les uns les autres comme des frères aiment de frères, comme les parent aiment leurs enfants, et les enfants leurs parents ; et bien davantage même, puisque ce dernier sentiment est inspiré par la nature et que le premier l’est par la grâce. Voilà comment les âmes sont unies entre elles.
Pouvons-nous dire autre chose encore de ce saint baiser ? Quoi donc ? Nous sommes le temple du Christ, et nous baisons le portique vénéré du temple quand nous nous embrassons. Que d’hommes ne voyez-vous pas imprimer leurs lèvres sur les lambris du vestibule sacré, en inclinant la tête, ou en y posant la main qu’ils portent ensuite à leur bouche ? Le Christ a foulé ce seuil, il est passé par ces portes, il entre en nous quand nous communions. Ce n’est pas un vulgaire honneur pour notre bouche qu’elle reçoive le corps du Christ. Telle est la première cause du saint baiser. Songez aux grandes choses dont le Christ a voulu que votre bouche fût l’instrument, et sachez la conserver pure. Par cette bouche, il a révélé la vie future, la résurrection, l’immortalité, le néant de la mort. C’est comme à la source même de la vérité que vient, à la bouche du prêtre, celui qui doit être initié. Parole qu’on ne saurait entendre sans frisson ! Il a perdu la vie dans ses aïeux mêmes ; il s’approche pour la retrouver, il interroge pour savoir le moyen de la ressaisir ; et Dieu lui répond par cette bouche, plus auguste dès lors et plus redoutable que le propitiatoire. Le propitiatoire, en effet, ne rendait jamais de pareils oracles ; il ne parlait que d’objets d’un ordre inférieur, de la guerre ou de la paix ici-bas. Tout ce qui sort du nouveau propitiatoire se rapporte au ciel, à l’éternelle vie, à des choses qui nous étaient inconnues et qui dépassent notre intelligence.