Sur Luc 9, 11-17

Jésus prit les pains, les bénit, les rompit et les donna aux disciples

 

Helmut Gollwitzer

La joie de Dieu, p. 95s

 

Il y a ici beaucoup plus et rien moins qu’un événement sacramentel. Ce passage rappelle l’institution de l’Eucharistie ; la médiation des disciples le montre clairement.

La chrétienté primitive avait raison lorsque, dans la peinture des catacombes, elle liait le récit de la multiplication des pains à l’Eucharistie. Car l’institution de l’Eucharistie n’est autre chose que le repas miraculeux de l’Eglise, donné par le ministère de l’Eglise.

Le récit de la multiplication des pains désigne Jésus comme celui qui nous rencontre dans le sacrement de l’Eucharistie : ce Seigneur est d’une plénitude inépuisable apaisant la faim de ceux qui ont accepté sa Parole.

Le récit de la multiplication des pains n’est pas pour autant une allégorie. Les Evangélistes rapportent ce fait comme un véritable événement, parce que Jésus est véritablement celui qui peut nourrir une telle foule. Mais ils ne cherchent pas à expliquer comment cela s’est produit. Le miracle reste entier, et réside dans le paradoxe entre les disponibilités premières et le résultat final : Tous mangèrent et furent rassasiés.

C’est dans ce rapport disproportionné que vit l’Eglise. Elle a continuellement devant les yeux, dans le repas sacramentel comme dans son message quotidien, le déséquilibre entre l’élément terrestre et le don céleste, entre la pauvre et insuffisante parole humaine et la Parole divine distribuée en elle et à travers elle. Seule la foi peut voir dès maintenant comment, avec de si pauvres moyens, on rassasie une aussi grande foule.

En ce sens, le repas des cinq mille est une anticipation eschatologique. A l’instant où nous le verrons tel qu’il est, sera révélé, à la vue de tous, ce qui est ici manifesté, à savoir l’apaisement de toute faim et la source inépuisable de toute vie donnée en Jésus : Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim, qui croit en moi n’aura plus jamais soif.

Pour le temps de notre pèlerinage sur la terre, ce récit a une signification exemplaire pour la communauté de ceux qui suivent Jésus dans la pauvreté, Nous n’avons que cinq pains et deux poissons, et qui pourtant font tant de riches, eux qui n’ont rien et qui cependant possèdent tout.