Sur 2 Corinthiens 10,1 – 11,6
Saint Bède le Vénérable

Ivan Gobry
Les moines en Occident, tome 3, Le temps des conquêtes, p. 407s

En 682, une épidémie de peste dévasta la Northumbrie. A Yarrow, tous les moines périrent sauf deux : l’Abbé Céolfrid et un petit oblat de neuf ans que ses parents avaient fait baptiser sous le nom prometteur de Béda, « la prière ». Tout un programme, certes, et qu’il allait réaliser à la lettre, mais aussi le signe d’une destinée : Dieu gardait en vie celui qui allait devenir la plus grande lumière du VIIIème siècle. Sa vie fut sans rupture : initié aux sciences sacrées et profane par les doctes émules de Benoît Biscop, et à la liturgie par le chantre Jean, il passa tout naturellement du statut d’oblat à celui de profès, et fut ordonné prêtre en 702. Son Abbé, estimant que les moines ne devaient pas être les seuls bénéficiaires de son érudition, institua une école dont il lui confia la direction et qui attira des centaines d’élèves. Sa mémoire et sa puissance de travail le dissuadèrent de recourir à des secrétaires, comme le faisait tous les maîtres contemporains ; pourtant il ne se déroba jamais à la discipline monacale, participant avec ferveur à tous les exercices conventuels. Il mourut comme il vécut, en douceur, discrètement et joyeusement. Il fut atteint d’une maladie qui le tint deux mois étendu, sans qu’il changeât pour cela son emploi du temps : il chantait les offices, malgré la peine qu’il avait à respirer, de tout son cœur et de toute sa voix, et, dans l’intervalle, enseignait aux disciples qui se tenaient autour de lui ; ce fut même pendant ces semaines douloureuses qu’il traduisit en anglo-saxon l’Evangile de saint Jean. Le matin de la fête de l’Ascension, jeudi 26 mai 735, étendu sur la pavé de sa cellule, il rendit l’âme en chantant : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint Esprit.
Saint Bède le Vénérable, docteur de l’Eglise, a laissé à la postérité une œuvre abondante et varié. Nous ne connaitrions pas tous les éléments de ce chapitre s’il n’avait rédigé, avec application, pendant la moitié de sa vie, et en puisant aux meilleures sources, ce monument unique qu’est l’Histoire ecclésiastique de la nation anglaise. Il écrivit en outre les vies de saint Félix de Nole, de saint Cuthbert, de saint Benoît Biscop, de saint Estrevin, de saint Céolfrid, et composa un martyrologe. Ce fut aussi un théologien, dont il reste cinquante homélies sur les grandes fêtes de l’année, et des commentaires de l’Ecriture (Pentateuque, Prophètes, Cantique des cantiques, et tout le Nouveau Testament), qui en font un disciple original de saint Grégoire le Grand. Ce fut encore un rhéteur et un savant, qui produisit des traités sur l’orthographe, la métrique, les figures de rhétorique, la cosmographie, les six âges du monde, et qui, au surplus, composa des épigrammes et des hymnes.