sur 2 Corinthiens 11,7 – 29
Saint Philippe Néri : Humour et Sainteté
Marcel Dreier
Echos de Saint-Maurice, 1984, tome 80, p. 107s

Si nous allons chercher notre homme dans le lointain XVIème siècle, c’est parce qu’on s’accorde à reconnaître que parmi les saints, il est celui qui incarne la joie rayonnante.
Dans sa manière d’être, il ne cesse de démontrer que ce n’est pas la pose conventionnelle, l’attitude compassée que nous leur prêtons qui fait les saints, que rien au contraire ne leur convient mieux qu’un certain abandon et une hilarité de bon aloi, signe caractéristique des enfants de Dieu.
Ayant renoncé à tout, il arrive à Rome pour ne plus la quitter, au moment où elle sort à peine du pillage des troupes du connétable de Bourbon. La chrétienté est alors ébranlée par la prédication luthérienne. De toutes parts, s’élèvent des voix qui réclament des changements. Des prophètes de malheurs jettent la terreur dans le peuple et dénoncent les abus. Le plus simplement du monde, il entre en contact avec un chacun, jovial et affectueux, empruntant la langage du peuple pour l’amener à réfléchir et à mieux vivre. Le soir, il se retire de préférence dans la zone mystérieuse des catacombes, et s’y imprègne de la foi et de la charité des martyrs romains.
Aux malades et aux pauvres, il voue une attention toute spéciale, leur prodiguant, en même temps que les soins les plus courants, le réconfort de la Parole de Dieu. Il hésitera longtemps avant de se laisser ordonner prêtre. Obéissant à son confesseur, il s’inscrit à l’Archiconfrérie de la Charité, et accepte finalement une certaine stabilité. C’est une œuvre d’assistance aux buts multiples, qui allait bientôt devenir dans Rome une sorte d’office central de la charité ; elle se charge des funérailles des indigents, organise la visite des prisons, s’emploie à accélérer le cour de la justice.
Mais Philippe est avant tout chasseur d’âmes ; Son zèle de confesseur est extraordinaire. IL passait des matinées entières dans l’église de San Giroloma, siège de la Confrérie, lisant, priant, toujours à la disposition des pénitents. On revenait toujours à lui, car il exerçait sur tous, et particulièrement sur les jeunes gens, une attraction profonde.
Citons, parmi bien d’autres, une simple anecdote sur sa manière de pratiquer l’art du discernement. A cette époque, des « illuminés » surgissent de tous côtés. La pape, qui a confiance dans le bon sens de Philippe, le charge examiner celles qui prétendent avoir des révélations. Ayant visité l’une d’elles, il rend compte de sa visite au Pape : « Ce jour-là, il pleuvait. Je suis monté sur ma mule ; mais j’étais plutôt crotté ! Je fis appeler la religieuse en votre nom. Elle parut. En guise de salutation, je lui ai tendu mes bottes, en lui demandant de me les enlever. Elle recula, scandalisée, et se mit en colère : Eh ! Pour qui me prenez-vous ? Je suis la servante du Seigneur, et non la servante de tout le monde. Je ne suis tout de même pas une domestique. Je me suis levé tranquillement, je suis remonté sur ma bête, et me voici devant vous. Je suis convaincu que vous ne trouverez pas nécessaire de faire un autre examen. Cette femme-là manque de la première vertu chrétienne : l’humilité ».
Philippe Néri a été canonisé en même temps que saint Ignace de Loyola, saint François-Xavier, sainte Thérèse d’Avila, par le pape Grégoire XV, le 12 mars 1622. Une de ses pensées : Que ferais-je si je n’avais pas mon Jésus !