Sur Luc 9, 18-24
Le témoignage de Pierre
Saint Ambroise
Traité sur l’évangile de saint Luc, SC 45, livre VI, p. 262s

Et vous, qui dites-vous que je suis ? Simon Pierre répondit : le Christ de Dieu.
L’opinion même de la foule n’est pas sans intérêt : les uns croyaient à la résurrection d’Elie qu’ils pensaient devoir venir, les autres de Jean qu’ils savaient décapité, ou de l’un des prophètes anciens. Mais rechercher cela est au-dessus de nous : c’est pour la pensée d’un autre, la prudence d’un autre. Car il suffit à l’apôtre Paul de ne connaître que le Christ Jésus, le Christ crucifié : qu’ai-je à souhaiter connaître en plus du Christ ? Dans ce seul nom est exprimé la divinité, l’Incarnation, et la réalité de la Passion. Aussi, bien que les autres apôtres le sachent, Pierre cependant répond, de préférence à tous : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Il a donc embrassé toutes choses en exprimant et la nature et le nom qui résume toutes les vertus. Irons-nous soulever des questions sur la génération de Dieu, quand Paul a jugé qu’il ne sait rien en dehors du Christ Jésus crucifié, quand Pierre a cru ne devoir confesser que le Fils de Dieu ? Nous autres, nous recherchons, avec les yeux de la faiblesse humaine, quand et comment il est né, quelle est sa grandeur. Paul a reconnu en tout cela l’écueil des questions plutôt qu’un profit pour l’édification, et, dès lors, a décidé de ne rien savoir que le Christ Jésus. Pierre a su que, dans le Fils de Dieu, sont toutes choses, car le Père a tout donné au Fils : s’il a tout donné, il a transmis l’éternité et la majesté qu’il possède. Mais pourquoi m’écarter si loin ? La fin de ma foi est le Christ, la fin de ma foi est le Fils de Dieu. Il ne m’est pas permis de connaître le procédé de sa génération, mais il ne m’est pas permis d’ignorer la réalité de sa génération.
Croyez donc de la manière dont Pierre a cru, afin d’être heureux vous aussi pour mériter d’entendre vous aussi : Car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’a révélé, mais mon Père qui est aux cieux. En effet, la chair et le sang ne peuvent révéler que le terrestre ; par contre, celui qui parle des mystères en esprit ne s’appuie pas sur l’enseignement de la chair et du sang, mais sur l’inspiration divine. Ne vous reposez donc pas sur la chair et le sang de peur de prendre les ordres de la chair et du sang, et de devenir vous-même sang et chair. Plaise à Dieu que ceux qui écoutent ne soient pas chair et sang, mais, qu’étranger aux convoitises de la chair et du sang, chacun puisse dire : Je ne craindrai pas ce que pourrait me faire la chair. Qui a vaincu la chair est un fondement de l’Eglise, et, s’il ne peut égaler Pierre, il peut l’imiter. Car les dons de Dieu sont grands : non seulement il a restauré ce qui avait été nôtre, mais encore il nous a concédé ce qui Lui était propre.