sur Matthieu 16, 13-19
L’amour de Pierre et de Paul pour le Seigneur
Saint Aelred de Rievaulx
Sermons pour l’année, tome 2, Pain de Cîteaux 12, sermon 15, p. 21s

Saint Pierre et saint Paul ont beaucoup aimé le Seigneur, chacun à sa manière. Lequel des deux a aimé davantage ?
Nous pouvons monter que saint Pierre a davantage aimé le Christ que les autres apôtres qui étaient avec Lui. En effet, après la pêche miraculeuse, tandis que le Seigneur mangeait avec ses disciples, il a dit à Pierre : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-là ? Ainsi que le dit saint Augustin, le Seigneur a posé cette question parce que, lui qui voyait le cœur de Pierre, il savait que cela était vrai. Certes, les disciples n’étaient pas tous présents, mais il était bien là celui qui pourrait nous faire hésiter ; nous pouvons en effet penser que saint Jean a plus aimé le Christ que celui-ci l’a davantage aimé. Mais, à ce moment-là, notre Paul n’était pas encore du nombre des disciples du Christ, de sorte que nous pouvons à nouveau nous poser la question de savoir lequel a davantage aimé le Seigneur. Si nous regardons aux travaux, Paul a travaillé pour le Christ plus que tous ; si nous regardons au genre de mort, Pierre a enduré pour le Christ une mort plus pénible.
Frères, qui oserait en tirer une affirmation tranchante ? Nous savons qu’ils ont tous deux beaucoup aimé le Christ, qu’ils ont été beaucoup aimés par Lui. Car la vie de l’un et de l’autre nous offre une doctrine nourrissante, et leur mort un exemple de patience. Que dirais-je d’eux, sinon que ce sont deux séraphins ? Séraphin signifie embrassement ; assurément, ils brûlaient tous deux d’une admirable dilection pour Dieu, et l’un et l’autre embrasaient les cœurs d’un suave amour pour lui. Nous pouvons cependant découvrir quelques nuances dans leur dilection. La dilection dont Pierre aima le Seigneur met pour nous l’accent sur la douce affection que nous devons avoir à l’égard de l’humanité du Christ. Car Pierre a eu pour celle-ci la ferveur et l’amour dont nous venons de parler, comme nous pouvons le montrer à partir de l’Evangile. En Paul, par contre, l’accent est mis pour nous sur la dilection que nous devons avoir à l’égard de la connaissance de sa divinité. C’est pourquoi il a dit : Si nous avons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus ainsi à présent. Il faut savoir, sans l’ombre d’un doute, que Pierre et Paul ont tous deux connu et aimé notre Seigneur Jésus-Christ à la perfection, autant qu’il est possible à l’être humain. Cependant, puisque les uns sont si faibles qu’ils sont incapables de s’élever jusqu’à la connaissance de la divinité, ils trouvent dans l’exemple de Pierre de quoi s’exercer à une tendre dilection à l’égard de l’humanité du Christ ; et puisque les autres sont suffisamment forts pour pouvoir contempler les choses divines et célestes, ils trouvent en Paul les degrés de contemplation pour s’élever jusqu’à scruter les réalités célestes.