Sur Job 38,1-30 . 40,1-5
Tu n’iras pas plus loin, lui dis-je, ici se brisera l’orgueil de tes flots

Père Paul Auvray
La toute-puissance de Dieu, AS 43, p.30s

Pasteur, agriculteur ou commerçant, peu enclin aux aventures maritimes, l’Israélite connaissait la Grande Mer (la Méditerranée), certains parfois les rives de la mer Rouge. Il en savait les dangers. Plusieurs passages de l’Ancien Testament y font allusion : la flotte armée par Josaphat se brise avant son premier voyage (1 Rois 22,49), le prophète Jonas est jeté à la mer dans la terreur d’une tempête (1), Ezéchiel compare la ville de Tyr à un navire englouti par les flots (27). On devine à la lumière de ces quelques textes, il y en a d’autres, combien les Israélites étaient sensibles à la menace des tempêtes. La mer était pour eux une puissance redoutable que Dieu seul pouvait enchaîner.
C’est peut-être à partir de cette terreur que la création des mers est évoquée assez souvent comme un combat dans lequel Dieu vainc et réduit en servitude les puissances du chaos. Le Psaume 104, hymne à la gloire du Dieu créateur, rappelle la description du livre de Job, avec ses eaux primordiales, ses chambres hautes bâties sur les eaux, la terre, la montagne recouvertes par les eaux ; mais ces eaux, Dieu les menace et elles s’enfuient à la voix de son tonnerre, elles sautent les montagnes et descendent dans les vallées pour gagner le lieu que Dieu leur assigné. Et là, comme au livre de Job, Dieu leur impose une loi : Tu mets une limite à ne pas franchir, qu’elles ne reviennent couvrir la terre.
Avec ces textes et bien d’autres s’explique l’insistance de l’auteur du livre de Job sur la puissance divine. Lorsqu’il parle d’imposer à la mer portes et verrou, lorsqu’il reproduit les paroles impérieuses du Créateur, le livre de Job s’oppose à toute tentation dualiste : Dieu est le maître absolu de sa création.
Mais il suggère aussi que Dieu, s’il a domestiqué les forces de la nature, peut aussi les appeler à son service. L’abîme vaincu peut devenir l’exécuteur des jugements divins. C’est ainsi que le Déluge n’est pas dans les livres saints une exception à la toute-puissance de Dieu. Il en est au contraire l’illustration ; il démontre que les flots obéissent au Très-Haut et que sur son ordre ils peuvent franchit leur limite et retrouver leur antique malignité. Mais seulement sur son ordre et à condition de se retirer ensuite pour ne plus revenir, dès qu’il plaira au Seigneur. Le passage de la mer Rouge est encore une illustration de la toute-puissance de Dieu. L’histoire du prophète Jonas paraît comporter la même leçon.
Plusieurs épisodes évangéliques, la marche de Jésus sur les eaux, les pêches miraculeuses, les tempêtes apaisées comportent la même leçon : Jésus, comme Dieu, se montre en plusieurs de ses miracles le maître de la création.