Sur Qohélet 3, 1-23
« Il y a un temps pour tout… »
Saint Grégoire de Nysse
Homélies sur l’Ecclésiaste, SC 416, Homélie 6, p. 303s

Il y a un temps pour tout et un moment pour toute chose sous le soleil. Ce texte nous parle des réalités qui sont sur la terre et sous le ciel pour nous apprendre à passer cette vie-ci sans faux pas. Cette vie-ci est matérielle, l’existence se passe dans la chair, et la contemplation du beau est en quelque manière obscurcie par les phénomènes sensibles. Nous avons donc besoin d’une science pour juger du beau, afin que, comme pour les objets fabriqués, il y ait une règle qui aligne au cordeau tout ce qui existe. C’est ce qui nous est proposé par le texte de l’Ecclésiaste : le moyen de diriger droitement notre existence vers ce qui convient.
Il y a deux critères du beau dans la vie pour chacune des occupations de cette vie : la juste mesure et le moment favorable. Il y a un temps pour tout et un moment pour toute chose. Par temps, il faut comprendre la mesure, parce que le temps est coextensif à tout ce qui existe. Tels sont les critères du beau. Je ne soutiens pas encore fermement que cela convient parfaitement pour une pleine réussite de la vertu, tant que la progression du texte ne l’a pas montré. Cependant, n’importe qui pourrait concevoir que la plus grande partie de l’existence qui nous est impartie est promise à la réussite si l’on observe cela. En effet, qui ne sait que la vertu est elle aussi une mesure mesurée par le juste milieu entre les choses que l’on compare ? Car il ne pourrait y avoir de vertu en deçà de la mesure concevable, ni au-delà ; prenons l’exemple du courage, son défaut est la lâcheté, son excès est la témérité. C’est pourquoi, même des hommes d’une sagesse étrangère ont morcelé la pensée signifiée dans cette parole, l’un conseillant dans un apophtegme qu’il n’y ait rien en défaut, et l’autre interdisant l’excès. Le premier a déclaré : La meilleure chose, c’est la mesure, et l’autre a érigé en loi le Rien de trop. Ces deux préceptes montrent que ne pas atteindre la mesure requise par la vertu est chose coupable, et que dépasser la juste mesure est à rejeter.
Ainsi n’est bon ni ce qui est sans mesure, ni ce qui est inopportun ; au contraire est bon et vaut d’être choisi ce qui possède la perfection grâce à ces deux qualités. Car si l’on ne se préoccupe que de l’une d’elles et que soit dédaignée celle qui manque, même celle qui a été menée à la perfection restera sans profit, en raison de celle qui fait défaut. Celui qui définit un temps pour tout distingue, pour chaque chose, avec cette parole, le mal né de l’absence de mesure, en méprisant l’excès de temps tout comme il en rejette le défaut.