Sur Qohélet 1, 1-18
Vers un détachement des biens terrestres

Saint Augustin
De la Cité de Dieu, Livre XX, chapitre 3, OC 24, p. 539s

Salomon, le plus sage des rois d’Israël qui régna dans Jérusalem, commence ainsi le livre de l’Ecclésiaste : Vanité des vanités, tout n’est que vanité ; que revient-il à l’homme de tout le travail qu’il entreprend sous le soleil ? Et rapportant tout à cette sentence, il énumère les afflictions et les erreurs de cette vie ; il montre le temps qui se précipite et se dérobe sans cesse, ne laissant rien de solide, rien de stable ; mais dans cette vanité de toutes choses sous le soleil, ce qu’il déplore surtout, c’est que, la sagesse l’emportant sur la folie, comme la lumière l’emporte sur les ténèbres ; et les yeux des sages étant à sa tête, tandis que l’insensé marche en aveugle, une même destinée les poursuit cependant tous en cette vie qui passe sous le soleil. Il veut sans doute faire allusion à ces maux communs aux bons et aux méchants. Il ajoute même que les bons souffrent comme s’il étaient méchants, et que les méchants prospèrent comme s’ils étaient bons : il est, dit-il au chapitre 8, une autre vanité sur la terre : le malheur tombe sur les justes comme s’ils avaient fait les œuvres des impies, tandis que les méchants reçoivent des récompenses comme s’ils avaient fait des œuvres justes. Je dis que c’est encore là une vanité. C’est à nous bien faire connaître cette vanité que cet homme si sage consacre tout son livre, sans doute pour nous inspirer le désir de cette vie où la vanité n’est plus sous le soleil, mais la vérité sous celui qui a fait le soleil. Est-ce que sans un juste jugement de Dieu, l’homme, devenu semblable à la vérité même, irait se perdre dans cette vanité ? Cependant, dans les jours de sa vanité, il importe grandement qu’il résiste ou qu’il se soumette à la vérité, qu’il soit l’ennemi ou le disciple de la piété véritable, non pour obtenir les biens de cette vie ou pour en éviter les maux passagers, mais à cause du jugement futur, car, alors, aux bons les biens, aux méchants les maux qui ne finiront point. Enfin le sage termine ainsi son livre : Crains Dieu et garde ses commandements ; c’est là tout l’homme. Car Dieu fera paraître à son jugement toutes les œuvres, même celles du plus méprisable, soit bonnes, soit mauvaises. Que pourrait-on dire de plus court, de plus vrai, de plus salutaire ?