Sur 1 Timothée 6, 11-21
Immortalité et invisibilité du Fils et de la Trinité entière

Saint Augustin
La Trinité, Livre I, chapitre 6, 10-11

Nous pouvons affirmer que l’Apôtre Paul parlait de la Trinité entière, et non exclusivement du Père lorsqu’il disait : Dieu seul possède l’immortalité. En effet, l’Etre éternel ne saurait être soumis ni au changement ni à la mortalité ; et par conséquent, puisque le Fils de Dieu est la vie éternelle, on ne doit point le séparer du Père quand on dit que celui-ci possède seul l’immortalité. C’est aussi parce que l’homme entre en participation de cette vie éternelle qu’il devient lui-même immortel. Mais il y a une distance infinie entre Celui qui est par essence la vie éternelle, et l’homme qui n’est immortel qu’accidentellement, et parce qu’il participe à cette vie. Bien plus, ce serait une erreur d’entendre, séparément du Fils et à l’exclusion du Père, ces autres paroles du même apôtre : Il le fera en son temps, Celui qui est souverainement heureux, le seul puissant, le Roi des rois, et le Seigneur des seigneurs, qui seul possède l’immortalité. Nous voyons, en effet, que le Fils lui-même, parlant au nom de la Sagesse, car il est Sagesse de Dieu, ne se sépare point du Père quand il dit : Seul, j’ai parcouru le cercle des cieux (Si 24,8). A plus forte raison, il n’est point nécessaire de rapporter exclusivement au Père et en dehors du Fils ce mot de l’Apôtre : Qui seul possède l’immortalité. D’autant moins qu’il dit à Timothée : Je te recommande de garder sans tache et sans reproche jusqu’à la manifestation de Notre Seigneur Jésus Christ, que fera paraître en son temps le bienheureux et seul puissant, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs qui seul a l’immortalité et habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu, ni ne peut voir. A lui appartiennent honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. D’ailleurs l’ensemble du passage s’y oppose. Remarquez bien que, dans ce passage, l’Apôtre ne désigne personnellement ni le Père, ni le Fils, ni l’Esprit Saint, et qu’il caractérise le seul vrai Dieu, c’est-à-dire la Trinité tout entière, par ces mots : Celui qui est souverainement heureux, le seul puissant, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs.
L’Apôtre ajoute : Nul homme ne l’a vu, ni ne peut le voir. Cette phrase bouleverse-t-elle notre interprétation ? Non, puisqu’il s’agit là encore du Christ en sa divinité. Or, sa divinité, les Juifs ne l’ont pas vue. Ce qu’ils ont vu, c’est sa chair, et ils l’ont crucifiée. Voir la divinité avec un regard humain est impossible, on ne la voit qu’avec des yeux qui ne sont plus ceux des hommes, mais des surhommes. On a donc raison de reconnaître Dieu Trinité dans ces mots : Le bienheureux et seul puissant qui manifeste l’avènement de Jésus-Christ en son temps.