Sur 1 Timothée 4,1 – 5,2
Monique
Saint Augustin
Les Confessions, Livre VIII, 17s

Je ne passerai rien de tout ce qu’en moi enfante mon âme quand je pense, Seigneur, à ta digne servante, Monique, elle qui m’a donné le jour, pour me faire naître, en sa chair à la lumière de ce temps, et en son cœur à la lumière de l’éternité.
Ce que je vais dire, ce sont les dons, non pas ceux qu’elle m’a faits, mais ceux que tu lui as faits, car elle ne s’est pas faite, ni élevée toute seule. C’est toi qui les créas, et ni son père, ni sa mère ne savaient ce que serait l’enfant fait d’eux-mêmes. Elle fut instruite dans ta crainte, par le sceptre du Christ, sous la royauté de ton Fils unique, au sein d’une famille croyante, membre sain de ton Eglise. Le zèle attentif que portait sa mère à son éducation ne valait pas, disait-elle, celle d’une vieille servante ; son souvenir, comme son grand âge et sa conduite exemplaire lui valaient, dans cette demeure chrétienne, les égards de ses maîtres. Aussi lui avaient-ils confié leurs filles, charge dont elle s’acquittait avec vigilance, montrant, pour les corriger au besoin, une vive et sainte sévérité, et, pour les instruire, une prudence discrète.
Lorsqu’elle fut en âge de se marier, on la donna à un homme qu’elle servit comme le Seigneur lui-même. Elle fit tout pour le gagner à ta foi, laissant ses vertus lui parler de toi : c’est par elles que tu la rendais belle, digne d’amour, de respect aux yeux de son époux. Elle supporta ses infidélités sans aucune dispute à ce sujet, attendant l’œuvre de miséricorde sur lui : la foi en toi le rendrait chaste.
Lui-même, du reste, associait une bonté exceptionnelle à des bouffées de colère ; mais, dans ces cas-là, elle savait ne pas lui tenir tête, ni en actes, ni même en paroles ; une fois la crise passée et le calme revenu, saisissant le moment favorable, elle lui exposait ses raisons quand, d’aventure, son emportement avait été par trop irréfléchi. A cette fidèle servante, dans le sein de laquelle tu me créas, ô mon Dieu, Toi ma Miséricorde, tu avais octroyé bien d’autres dons. Elle réussit à gagner à ta foi son mari dans les derniers temps de son existence ; et, après son baptême, elle n’eut plus à pleurer en lui ce qu’elle avait enduré auparavant.
Elle était aussi la servante de tes serviteurs. Quiconque la connaissait trouvait en elle ample matière à te louer, à t’honorer, à t’aimer. Il sentait ta présence en son cœur, attestée par les fruits d’une vie sanctifiée : elle avait payé de retour les bienfaits de ses parents, elle avait pieusement gouverné sa maison, elle avait produit le témoignage de ses bonnes œuvres. Elle avait élevé ses fils en les enfantant à nouveau, autant de fois qu’elle les voyait dévier loin de toi.
Pour nous, tes serviteurs, nous qui, avant son dernier sommeil, avions reçu la grâce du baptême et vivions unis en toi, elle accordait ses soins, comme si chacun de nous était son fils, et ses services, comme si chacun de nous était son père.