Sur Siracide 7, 22-36
Heureux les miséricordieux

Saint Bernard
Sur les degrés d’humilité et d’orgueil, 6-9

Enumérant les Béatitudes, le Seigneur a placé les miséricordieux avant les cœurs purs. C’est parce que les miséricordieux saisissent immédiatement la vérité dans le prochain, lorsqu’ils étendent pour ainsi dire jusqu’en lui-même leurs sentiments, et ainsi se conforment à lui par leur charité, au point qu’ils sentent ses biens ou ses maux comme les leurs
propres. Ils se font malades avec les malades, brûlent avec ceux qui sont scandalisés. C’est leur habitude de « se réjouir avec ceux qui sont dans l’allégresse, de pleurer avec ceux qui pleurent ». La pointe du cœur étant bien purifiée par cette charité fraternelle, ils se délectent à contempler en elle-même cette vérité pour l’amour de laquelle ils portent les maux d’autrui. Mais ceux qui se s’associent pas à leur frère, et, au contraire, insultent à leurs larmes ou méprisent leur joie, qui ne sentent pas en eux-mêmes les sentiments des autres, sous prétexte qu’ils ne se trouvent pas dans les mêmes circonstances, comment pourraient-ils saisir la vérité dans leur prochain ? Le proverbe populaire leur convient : « L’homme bien portant ne sait pas ce que sent le malade, ni le repu ce que souffre l’affamé ». Le malade compatit au malade, l’affamé à l’affamé, d’autant plus étroitement qu’ils se sentent plus proches. De même que la très pure vérité n’est visible qu’au cœur pur, ainsi le malheur d’un frère est senti plus vivement par un cœur malheureux. Mais, pour avoir un cœur pitoyable à la misère d’autrui, il faut d’abord que tu connaisses la tienne propre, afin que tu découvres dans ta propre âme l’âme de ton frère, et apprennes de toi-même comment lui subvenir, à l’exemple de notre Sauveur qui a voulu souffrir pour savoir compatir, devenir misérable pour apprendre à avoir pitié ; si bien que de toutes ses souffrances, il apprît, non seulement comme le dit l’Ecriture, l’obéissance, mais apprît aussi la miséricorde.