Sur Isaïe 34, 1-17

Remettons-nous paisiblement entre les mains du Juge divin

Cardinal Newman

Sermon, Shrinking from Christ’s coming

 

Comment pouvons-nous prier réellement, de tout notre cœur, pour que le Seigneur rapproche le temps de sa  venue, alors que notre conscience nous dit que, même avec une vie plus longue, nous aurions encore beaucoup à faire en peu d’années ?

Je ne nie pas que cette question comporte quelques difficultés, mais, assurément, pas davantage qu’il ne s’en présente à nous de tous côtés en matière de religion. La religion a, pour ainsi dire, son domaine propre dans ce qui semble aux yeux de la raison, paradoxes et contradictions. Ainsi, c’est une inconséquence apparente de prier pour la venue du Christ, tout en souhaitant avoir du temps pour travailler à notre salut (Philippiens 2,12), et affermir notre vocation et notre élection (2 Pierre 1,10). C’était une inconséquence apparente, pour des hommes droits, de désirer la première venue du Seigneur, tout en étant incapables de la supporter. Et pour les apôtres, d’éprouver à la fois peur et joie après sa résurrection. Et c’est encore un paradoxe pour les chrétiens d’être, en toutes occasions, affligés et pourtant toujours joyeux, acculés à la mort et pourtant bien vivants, de n’avoir rien et cependant de posséder tout (2 Corinthiens 6,9-10).

Ces contradictions apparentes viennent du manque de profondeur de nos esprits pour maîtriser la vérité entière. Nous n’avons pas les yeux assez perçants pour suivre jusqu’au bout les chemins de la providence et de la volonté divines, qui finissent par se rencontrer, bien qu’à première vue ils semblent parallèles. Comment ces deux sentiments opposés, craindre la venue du Christ et prier pour le voir, ne sont pas nécessairement contradictoires.

Que nous éprouvions un sentiment de peur n’a rien d’étrange. Pour notre imagination, comment ne serait pas redoutable chaque scénario de cet autre monde inconnu ! Certes, notre vie ici-bas est pleine de dangers et de souffrances, mais nous savons à quoi cela ressemble. Nous ignorons tout de ce qui se passera dans le monde à venir ; et plus éprouvante est pour chacun la perspective de la venue du Christ comme Juge.

Et pourtant, sa présence nous est dépeinte par lui-même comme le plus grand des biens. Tous les chrétiens sont invités à prier pour sa venue, à prier pour la hâter (2 Pierre 3,11-12), à prier pour que nous puissions bientôt le contempler, lui que nul ne peut voir sans être un saint, sans avoir le cœur pur (Matthieu 5,8). Comment pouvons-nous prier avec sincérité pour sa venue ?

Alors, frères, faisons ce que le Seigneur ordonne, et abandonnons-lui tout le reste.