Sur Romains 11, 25-36
A lui la gloire pour les siècles des siècles
Guillaume de Saint-Thierry
Exposé sur l’épître aux Romains, SC 568, p. 233s

Que la religion nous relie au Dieu unique et tout-puissant ! Car nulle créature ne s’interpose entre notre esprit, par qui nous comprenons qu’il est Père, et la vérité, c’est-à-dire la lumière intérieure qui nous le fait connaître. C’est pourquoi, il nous faut vénérer en lui et avec lui la vérité elle-même qui ne lui est en rien dissemblable, elle qui est la forme de tout ce qui a été fait par l’Un et qui tend vers l’Un. D’où il est évident pour les âmes spirituelles que toutes choses ont été faites par cette forme qui seule accomplit ce que toutes désirent. Et cependant toutes ces choses n’auraient pas été faites par le Père grâce au Fils, ni ne trouveraient leur accomplissement à l’intérieur de leurs limites, si Dieu n’était l’être au suprême degré. Lui qui, d’une part, ne porte envie à aucune nature qui ne peut être bonne que par lui, et qui, d’autre part, a donné aux unes autant qu’elles voulaient, aux autres autant qu’elles pouvaient, afin que toutes demeurent dans le bien lui-même.
C’est pourquoi il nous convient de vénérer et de tenir avec le Père et le Fils, le Don même de Dieu également immuable : Trinité d’une unique substance, Dieu unique de qui nous sommes, en qui nous sommes ; de qui nous nous sommes séparés, à qui nous sommes devenus dissemblables et qui ne nous a pas laissé périr loin de lui ; principe à qui nous revenons, forme que nous suivons, grâce par qui nous sommes réconciliés. Il est l’Un grâce à qui nous sommes créés par le Créateur, sa ressemblance par laquelle nous sommes reformés selon l’unité, la paix grâce à laquelle nous adhérons à l’unité. Voilà la réalité qui doit être notre seule jouissance : la Trinité sainte. Si toutefois elle est une réalité et non pas la cause de toutes les réalités, si toutefois elle est aussi une cause.il n’est pas facile de trouver un nom qui convienne à une excellence si haute ; le mieux est de dire : cette Trinité est le Dieu unique de qui, par et en qui sont toutes choses. Ainsi est le Père et le Fils et le Saint-Esprit : chaque personne est Dieu, et, tous ensemble, ils sont un seul Dieu ; chaque personne possède la plénitude de la substance, et tous ensemble ils ne sont qu’une seule substance. Pourtant le Père n’est ni le Fils, ni le Saint-Esprit ; le Fils n’est ni le Père, ni le Saint-Esprit ; et le Saint-Esprit n’est ni le Père, ni le Fils. Les trois ont même éternité, même immutabilité, majesté, puissance. Dans le Père est l’unité, dans le Fils l’égalité, dans le Saint-Esprit le nœud de l’unité et de l’égalité. Et tous ces trois sont un à cause du Père, égaux à cause du Fils, unis à cause du Saint-Esprit. Il ne faut donc pas accueillir de façon confuse l’expression De qui, par qui, en qui sont toutes choses, ni non plus donner à plusieurs dieux, mais A lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.