Sur 1 Corinthiens 14, 1-19
Glossolalie et prophétie

Père Jean Cantinat
Charismes et bien commun de l’Eglise, BVC, p. 18s

Nous aimerions avoir une définition de la glossolalie, Paul ne nous la donne pas, non plus que le livre des Actes, ou les anciens écrivains ecclésiastiques. Force nous est de la déduire des descriptions qui nous en sont fournies : soit le parler en langues, soit le parler en langues étrangères. Paul n’ignore pas l’excellence de la glossolalie dès lors qu’il en affirme l’origine divine, et qu’il sait sa valeur de prière face à Dieu. Il ne déprécie pas ce charisme en lui-même, il ne le fait que par rapport à celui de prophétie, dans la mesure où il est moins utile au bien de l’Eglise, lorsque son bénéficiaire, au lieu de parler de manière profitable à tous, ne leur dit que des choses mystérieuses, voire incompréhensibles.
Le chrétien qui prophétise parle, lui, un langage que les hommes saisissent, il se fait comprendre de l’assemblée liturgique. Ce qu’il dit, sans doute sous forme de prédication inspirée, édifie, exhorte et console les croyants à la manière des catéchèses ordinaires. Il est donc plus utile que le glossolale qui n’édifie que lui seul. Ailleurs, le Nouveau Testament distingue de ces charismes passagers, pris dans la masse des priants, certains personnages dotés de façon permanente du titre de prophètes, véritables chefs des communautés avec les apôtres. Les préférences de Paul vont à la prophétie en raison de sa plus grande utilité communautaire.
En comparant la glossolalie aux sons indistincts des instruments de musique, Paul ajoute beaucoup de charme à son propos, et fait concrètement saisir à ses lecteurs l’insuffisance communautaire de ce charisme. Les instruments qu’il évoque étaient alors d’un usage courant : la cithare accompagnait les chants de joie, la flûte servait pour les funérailles, la trompette résonnait dans les camps militaires qui couvraient tout l’Empire. Avec son sens aigu de l’image, Paul suggère qu’il en va des cris ou des mots du glossolale comme des sons inarticulés ou discordants que l’on ferait rendre à ces instruments de musique.
La conclusion s’impose : tout glossolale devrait demander à l’Esprit-Saint le don complémentaire d’interprétation. Sans cela, il ne peut profiter lui-même qu’imparfaitement de son charisme : seul son esprit, son âme extasiée, est en prière, alors que son intelligence, sa raison ne l’est pas, puisque cette dernière ne comprend pas ce qui est dit. Avec le don de prophétie, prières et chants passent dans la raison, sont assimilés par elle et deviennent profitables à tous.