sur Hébreux 11, 1-16
Joseph

Adrienne von Speyr
La servante du Seigneur, p. 63s

Pour Joseph, ses fiançailles avec Marie signifient le prélude à un mariage terrestre normal. Il est chaste et juste, il vit selon la justice de ses pères. Sa chasteté n’a rien à voir avec la fade impuissance que semblent lui attribuer la plupart des images. Quand il devra renoncer, c’est dans toute la vigueur de son sexe qu’il le fera, et, par ce renoncement, sa virilité elle-même se trouvera fortifiée. L’ampleur de son renoncement lui donnera la force de persévérer au fil des années dans sa mission. Ce n’est pas un homme languissant que Marie aura à ses côtés, mais quelqu’un qui connaît sa force et l’a sacrifiée en toute simplicité, généreusement. Son renoncement est accepté avec force et fermeté, et dès lors il s’exercera jusqu’au bout dans le silence.
Mais au moment des fiançailles, il fait l’expérience de l’amour réel d’une femme, et cet amour de sa fiancée l’enrichit comme seul l’amour d’une femme peut combler un homme. A la lumière de cet amour, il voit devant lui la vie qu’une fois marié il aura à organiser pour sa famille. Il a choisi le mariage en toute liberté et responsabilité, et c’est le mariage qu’il recevra de Dieu, non l’état religieux. Et au sein de ce mariage, Dieu lui imposera la continence. Il n’est pas pour autant mis au couvent. Il vit dans sa maison avec femme et enfant, semblable en apparence à tout autre époux. C’est dans le monde qu’il doit exercer la continence.
Il est chaste et le restera toujours. Mais il se prépare à un mariage humain ordinaire. Aussi lui faudra-t-il revenir sur ses plans et ses attentes. En disant oui à l’ange, Marie ne fera pas de pas en arrière. Son oui ne fera que davantage préciser ce qui est resté ouvert en elle, mettre mieux en lumière ce qui était en train de poindre. Joseph, lui, doit modifier sa manière de voir. Il a fait son choix, il a choisi le mariage, il s’est réservé Marie comme épouse, il possède une sorte de vie humaine anticipative de son mariage prochain, cette assurance que lui procurent son choix et la promesse contenue dans le oui des fiançailles. La perspective de ce chemin est, il est vrai, sans convoitise, car la présence de Marie le préserve de celle-ci. Mais elle ne manque pas de tout son amour humain. Il n’est pas un châtré, il est au service de Dieu avec tout son corps. Son amour pour Marie est un amour pleinement humain en Dieu. Et quand il va devoir s’effacer devant le miracle de l’Esprit-Saint, ce sera pour lui un renoncement. Un renoncement, non une déception, car la déception supposerait la convoitise. Mais son renoncement lui rendra tout agrandi. L’épreuve sera difficile, mais jamais amère : elle l’ouvrira au contraire aux mystères de Dieu.