Sur Jean 20, 11-18

Marie au tombeau

Saint Grégoire le Grand

Homélies sur l’Evangile, SC 522, homélie 25, p. 107s

 

Les disciples repartirent chez eux ; Marie, elle, se tenait dehors près du tombeau, et pleurait. Quelle violence d’amour avait enflammé le cœur de cette femme ! Elle cherchait celui qu’elle n’avait pas trouvé, elle pleurait en le cherchant ; embrasé du feu de son amour, elle brûlait du désir de celui qu’elle croyait enlevé. Si elle fut alors seule à le voir, c’est qu’elle avait persévéré à le chercher.

D’abord, elle chercha et ne trouva pas. Mais elle s’obstina dans sa recherche, et c’est pourquoi elle trouva : son désir même, à force de grandir, obtint de trouver et de saisir son objet. Pensant au même Epoux, l’Eglise-épouse chante, dans le Cantique des cantiques : Sur ma couche, durant les nuits, j’ai cherché Celui que mon cœur aime. Nous cherchons le Bien-aimé sur notre couche, si dans les rares instants de repos de la vie présente, nous soupirons de désir, nous aspirons à rejoindre notre Rédempteur. Nous le cherchons de nuit, car même si notre esprit s’éveille à l’amour du Christ, nos yeux pourtant restent voilés.

Cette femme qui aime tant, se penche à nouveau dans le tombeau ; elle l’avait déjà examiné ; voyons comment sa recherche, active, double le fruit de son amour : elle vit deux anges en blanc assis l’un à la tête, l’autre aux pieds, là où le corps de Jésus avait été déposé. Que signifie la présence de ces anges ? En latin, le mot ange se traduit messager. Or, après la passion, devait être annoncé celui qui est Dieu avant les siècles et Dieu à la fin des siècles. Un ange se tient pour ainsi dire à la tête quand les apôtres proclament : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu ; et l’autre ange est assis pour ainsi dire à ses pieds, quand il est dit : Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Nous pouvons aussi reconnaître dans les deux anges les deux Testaments, l’un qui vient d’abord, l’autre qui suit. Ces anges sont réunis l’un à l’autre au lieu où se tenait le corps du Seigneur, car les deux Testaments annoncent, avec une signification égale, l’Incarnation, la mort et la Résurrection du Seigneur, l’Ancien Testament à la tête, le Nouveau aux pieds. C’est pourquoi les deux chérubins qui protègent le propitiatoire se regardent l’un l’autre, le visage tourné vers le propitiatoire. Que signifient les deux chérubins, sinon les deux Testaments ? Et qui symbolise le propitiatoire sinon le Seigneur incarné ? Jean dit de lui : Il est une victime de propitiation pour nos péchés. Comme l’Ancien Testament annonce ce qui doit se réaliser au sujet du Seigneur, et que le Nouveau le proclame réalisé, les deux chérubins se regardent l’un l’autre, tournant leur visage vers le propitiatoire : voyant le Seigneur incarné placé entre eux, ils ne cessent de se faire face, eux qui annoncent d’un commun accord le mystère de son dessein.