Sur Jean 13, 21-38

La présence de Jésus auprès de celui qui pèche

 

Père Lev Gillet

Jésus, simples regards sur le Sauveur, p. 107s

 

Jésus annonce aux apôtres que l’un d’entre eux va le livrer. Ils ne mettent pas en doute la parole du Maître. Ils ne s’écrient pas : Seigneur, c’est impossible ! Mais ils s’attristent et disent l’un après l’autre : Est-ce moi ? L’expérience de mes propres chutes doit me rendre très humble. Je ne peux jamais exclure la possibilité d’une nouvelle offense. Je dois demander en tremblant : Vais-je trahir encore ? Le prochain traître, est-ce moi ?

            Que me donnez-vous. Et je vous le livrerai. La question de Judas aux prêtres, je la répète à Satan : Quel plaisir me donnes-tu ? Si tu m’accordes ceci ou cela, je te le livrerai… C’est peut-être en détournant les yeux que je murmure cette suggestion, c’est peut-être en me lavant les mains, et ce n’est pas sans ressentir la piqûre de l’aiguillon intérieur. Mais, pourtant, je le livrerai… Pauvre âme, tu me veux, et tu veux aussi me livrer. C’est parce que tu veux autre chose que moi. Tu ne peux me vouloir vraiment si tu ne me veux seul.

Et il livra Jésus à leur volonté. Cette phrase de l’évangile dit de Pierre s’applique à moi chaque fois que, pour ma part, je coopère avec l’esprit tentateur et chaque fois que je coopère avec le péché d’autrui.

C’est par un baiser que tu trahis le Fils de l’homme ? Le baiser par lequel Judas trahit son Maître, c’est chaque prière que j’ose faire sans avoir radicalement banni de mon cœur toute complaisance envers le mal.

Cet homme aussi était avec lui… Tu es aussi de ces gens-là. Cette pensée me mord jusqu’au sang, elle me transperce lorsque, dans mon péché même, je ne puis perdre le souvenir du temps où, comme Pierre, je suivais Jésus. Mon Sauveur, c’est à travers les blessures secrètes de mon âme, c’est à travers mes péchés que tu fraies ton chemin en moi.

Jésus, tu es présent à mon péché. Quand je pèche, tu es encore en moi, silencieux. Ta présence même condamne ce que je fais. Mais, en même temps, tu me comprends et tu comprends mon péché plus profondément que je me comprends et le comprend. Car tu es plus intime que je le suis à moi-même. Tu n’es point un juge étranger. Tu t’identifies à celui qui, pécheur, est là devant toi. Et, cependant, tu es, à ce moment, le contraire même de ce que je suis. Mais tu m’enveloppe d’une présence et d’une pitié insondables. C’est cette présence et cette pitié, Seigneur Jésus, qui font qu’au moment même où je pèche, dans l’acte même du péché, et sans que j’ai le courage d’interrompre cet acte, un cri peut encore jaillir de moi, un cri de dégoût, d’angoisse et d’horreur, l’appel à toi, à ton nom : Jésus !