Sur 1 Jean 2, 1-11

Paix et Grâce

Dom Georges Lefebvre

Le précepte du Seigneur, VS 96, p. 53s

 

Qui aime son frère demeure dans la lumière. La vie spirituelle ne peut s’épanouir que dans une atmosphère de charité. C’est pourquoi il importe de demeurer en paix avec tous, de ne jamais se résigner à un état de semi-hostilité, ou simplement de froideur avec qui que ce soit.

La charité, si elle est bienfaisante à autrui, l’est aussi à nous-même. C’est l’unique source de paix. Une condition, en dehors de laquelle il n’est aucune paix véritable, n’est-ce pas de purifier les pensées de tout ce qui s’oppose à la charité, ces multiples petites pailles qui s’insinuent si facilement en nous. « N’accueillez pas un soupçon défavorable à votre frère, écrit saint Jean de la Croix, car le soupçon enlève la pureté du cœur ». Il est si facile de se laisser aller, sans même le remarquer, à ces mouvements d’agacement qui n’ont l’air de rien, mais qui suffisent à entretenir une acidité intérieure dans laquelle la charité s’étiole et l’âme ne peut s’épanouir. C’est là d’ailleurs, souvent, pour une bonne part, affaire de bon sens et de bonne humeur : savoir sourire, d’un bon sourire, au lieu de s’irriter ; ne pas s’arrêter aux petites choses, écarter sans discussion les réactions d’impatience, c’est demeurer dans la paix, c’est couper en leur racine même bien des actes ou des paroles par où peut se traduire cette irritation secrète ou inconsciente entretenue par mille riens sans cesse renouvelés.

La charité est le moyen de garder la paix, le moyen aussi de la retrouver aux heures où on pourrait la croire perdue. Il est des moments où l’on se sent dans l’obscurité et dans le trouble : on n’arrive pas à reprendre son équilibre. Qu’une occasion se présente alors d’avoir une attention aimable pour le prochain, et souvent il n’en faudra pas plus pour qu’on se sente apaisé : le contact avec la grâce est retrouvé. Nulle part il ne peut mieux se trouver que dans un acte d’obéissance au commandement du Christ ; le mettre en pratique, c’est répondre au désir que le Christ lui-même a exprimé, le désir cher entre tous auquel un amour sincère se plaît à répondre avec plus d’empressement, avec une fidélité plus délicatement attentive.

S’aimer les uns les autres. Aimer pour la seule joie d’aimer : il est bon d’aimer parce que Dieu est amour, et qu’aimer, c’est demeurer en lui. Aimer le prochain, ce n’est pas l’aimer pour l’amour d’un autre, mais pour ce qu’il y a en lui de plus profond : c’est reconnaître en lui un lien si intime avec Dieu que l’amour du prochain est le lieu même de la divine présence, et qu’il n’en est aucun autre où nous la puissions trouver si nous ne commençons par la chercher là.