Sur Juges 7, 1-8.16-22

Qu’Israël ne se glorifie pas à ses dépens !

Salvien de Marseille

Du gouvernement de Dieu, VII, n° 30-35

 

Nous le constatons dans l’Ecriture : chaque fois que Dieu a voulu faire comprendre que c’est lui qui accomplissait des actions d’éclats, il les a fait réaliser par des hommes peu nombreux et sans considération. Ainsi l’œuvre de la main divine ne serait pas attribuée à la valeur humaine. Nous voyons, par exemple, Sissera, le chef de l’armée qui faisait trembler les troupes israélites, terrassé par une femme, et Abimélek, le preneur des cités, renversé lui aussi par la main d’une femme.

Contre les Madianites qui couvraient le pays comme des sauterelles, Gédéon reçoit l’ordre de combattre avec un nombre restreint de soldats : ce n’est pas qu’il manquât de guerriers, mais il lui est défendu de conduire à la bataille une troupe importante, afin qu’une multitude ne pût s’attribuer quelque chose de la victoire. C’est ainsi qu’ayant rassemblé trente mille hommes, il s’entend dire par le Seigneur : Le peuple qui est avec toi est trop nombreux pour que Madian soit livré entre ses mains.

Qu’arriva-t-il ensuite ? A un homme qui allait attaquer des milliers de barbares, Dieu laissa seulement trois cents guerriers. Il ordonna de réduire l’armée à un si petit nombre pour qu’une poignée de combattants ne puissent rien revendiquer d’une bataille gagnée par le ciel. Dans quel but le Seigneur agissait-il ainsi ? Il le déclara lui-même très clairement : Pour qu’Israël ne se glorifie pas à mes dépens et n’aille pas dire : J’ai été délivré par mes propres forces!

            Qu’ils l’entendent, tous les effrontés ! Qu’ils l’entendent tous les présomptueux ! Qu’ils l’entendent les grands de ce monde ! Qu’ils entendent, tous, la parole de Dieu : Pour qu’Israël ne se glorifie pas à mes dépens et n’aille pas dire : J’ai été délivré par mes propres forces ! Oui, qu’ils entendent tous ceux qui disent le contraire avec vantardise, et blasphèment Dieu ! Qu’ils entendent, ceux qui mettent leur espoir dans l’homme ! Dieu dit que parlent contre lui tous ceux qui prétendent se libérer par leurs propres forces !

Qui donc ne pense pas ainsi ? Qui, parmi nous, ne blasphème presque continuellement sur ce point ? Nous nous étonnons que la main céleste ne nous aide pas, alors que nous lui dénions tout ce qu’elle nous accorde ! Faisons-nous autre chose, en effet, quand nous attribuons les biens dont elle nous comble aux éventualités du hasard, à la valeur des chefs ou à toute autre cause aussi futile ?